Partie "par amour" rejoindre son mari en Syrie, elle exprime sa "honte"

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Chloé Triomphe et , modifié à
Une Française de 25 ans a suivi son époux, parti accomplir le djihad en Syrie. Aujourd'hui rentrée en France, elle témoigne sur Europe 1. 
TÉMOIGNAGE

"J'étais venue pour lui". En 2013, celle qui se fait prénommer "Sarah" est restée six mois au côté de son mari, parti faire le djihad auprès de l'Etat islamique, en Syrie. D'un aspect presque enfantin, la jeune femme désormais rentrée en France est une très jolie fille, toute menue. Une femme-enfant de 25 ans, déjà mère de trois jeunes enfants. Désormais rentrée en France, elle ne porte plus le voile et a laissé derrière elle cette vie

Partie par amour. Alors en la voyant, on s'interroge : qu'est-ce qui a pu la pousser à partir en Syrie ? Sa réponse est sans équivoque. "Je suis partie par amour pour le voir, pour qu'il voie ses enfants. Je suis partie sans dire au revoir à personne. Avec la peur, parce que c'est une zone de guerre. On a peur, on ne sait pas à quoi s'attendre, on ne sait pas ce qui va se passer", raconte-t-elle.

Ce qui se passe, c'est un aller simple pour la Turquie. Après une nuit à l'hôtel, un ami de son mari organise le passage à la frontière syrienne. Et sur place, Sarah découvre alors un monde totalement inconnu. La première chose qu'elle remarque, "c'est que, là-bas, les gens sont tout le temps armés. Pour eux, c'est devenu normal. C'est comme s'ils avaient un sac", rapporte la jeune femme. "Tout le monde est comme ça", insiste-t-elle.   

Une vie quotidienne sous les armes. Au quotidien, dans la maison construite par son mari, Sarah déchante. "J'étais toute la journée toute seule. Je faisais à manger, je m'occupais des enfants, le ménage…". Elle s'ennuie "tellement". Aucune de ses voisines ne parle français.

Tous les matins et tous les soirs, son mari "rentrait avec une arme, c'était une kalachnikov. Le quotidien, c'était pratiquement que ça", se souvient-elle. "On ne se voyait pas souvent. Il y a des soirs où il ne rentrait pas. Et le peu qu'il rentrait, il allait se coucher". Très vite, elle se trouve en proie au doute : "Je me demandais ce qu'il faisait et ce que je faisais aussi, moi".  

"Il m'a parlé de fabriquer une ceinture d'explosifs". Aux interrogations s'ajoute la peur, quotidienne. La jeune femme craint les tirs, mais aussi les explosions qu'elle entend au loin. Elle ne parvient pas à s'habituer aux bruits de la guerre. Cloîtrée avec ses enfants toute la journée dans une maison isolée, elle a surtout peur que quelqu'un lui fasse du mal. "On ne sait pas qui va entrer, qui va venir".

Sarah se confie donc à son mari : "Je ne me vois pas porter une arme, donc je fais quoi s'il y a quelqu'un ?", lui demande-t-elle. "Il m'a dit : 'Si jamais il y a quelqu'un qui arrive, il te viole ou viole tes enfants…' C'est à ce moment-là qu'il m'a parlé de fabriquer une ceinture d'explosifs. Comme ça, j'appuie et je fais sauter tout le monde", rapporte-elle. "Ça, pour moi, ce n'était juste pas possible. C'est un truc que je ne me voyais pas faire". 

Un élément déclencheur pour la jeune femme. A partir de là, Sarah met toute son énergie à convaincre son mari de la laisser partir. Ce dernier finit par accepter, et organise son voyage retour avec leurs trois enfants. Lui, est resté combattre avec l'ambition de mourir en martyr.

Son message aux candidates au départ. Rentrée en France avec ses trois enfants, Sarah souhaite adresser un message aux jeunes femmes, qui sont, comme elle a pu l'être, tentées par la Syrie : "Je leur dirais simplement d'arrêter de regarder des vidéos qui leur promettent monts et merveilles en Syrie. D'arrêter d'écouter des hommes qu'elles ne connaissent pas et qui les demandent en mariage ; ça ne se passe pas comme ça. C'est un pays dangereux, ça peut changer une personne et faire énormément de mal."

"J'ai honte". "J'ai emmené des éléments d'arme", reconnaît-elle. A la demande de son mari, Sarah a en effet apporté, lors de l'un de ses trois allers-retours en Syrie, un cache-flamme qui s'assemble sur une arme, et des lunettes de visée pour faciliter le tir. "Encore plus avec le recul, je me dis que ces armes-là ont peut-être servi à tuer des gens par ma faute. J'ai honte", conclut-elle la gorge nouée. 

Et ce sont justement ces "éléments d'arme" ramenés à son mari qui ont pesé dans la sanction judiciaire. A son retour en France, Sarah a en effet été condamnée à cinq ans de prison, dont trois avec sursis. Elle évitera malgré tout la prison avec une peine aménageable. Elle a depuis changé de vie et demandé le divorce en France.