Procès d'Outreau : Daniel Legrand acquitté pour la deuxième fois

© AFP
  • Copié
Noémie Schulz avec CB et C.P.-R. , modifié à
Jugé devant la cour d'assises des mineurs d'Ille-et-Vilaine pour des viols sur enfants, le prévenu déjà acquitté en tant que majeur, a été acquitté pour ces faits dont il était accusé alors qu'il avait moins de 18 ans.

"La malédiction Outreau" est définitivement derrière lui. Daniel Legrand, qui comparaissait pour des viols sur les quatre enfants Delay, qu'il aurait commis alors qu'il avait moins de 18 ans, a été acquitté par la cour d'assises des mineurs d'Ille-et-Vilaine. Déjà jugé pour ces faits en 2005, mais en tant que majeur, il avait également été acquitté. La veille, l'avocat général avait plaidé l'acquittement estimant que Daniel Legrand était innocent. Une décision de justice qui met fin à dix longues années d'un fiasco judiciaire qui a défrayé la chronique et profondément marqué la magistrature et la société françaises.

Non coupable. "A l'ensemble des questions sur la culpabilité de Daniel Legrand il a été répondu non", a déclaré le président de la cour, Philippe Dary, à l'issue d'un peu plus de cinq heures de délibération. L'ambiance dans la salle d'audience est restée sereine à l'exception de quelques applaudissements et aussitôt, la mère et les deux sœurs de Daniel Legrand l'ont rejoint pour s'asseoir à ses côtés.

"Je criais mon innocence depuis le début". A l'issue du verdict, Daniel Legrand fils s'est exprimé devant le palais de justice, sous les applaudissements et les "bravo" mais aussi sous les huées de certains : "Je criais mon innocence depuis le début et justice a été rendue", avant de remercier, ému, ses avocats et toutes les personnes l'ayant soutenu : "Ils m'ont donné de la force, je n'oublierai pas". L'un de ses avocats a, quant à lui, estimé que son "innocence était une évidence" avant de conclure : "C'est terminé, il n'y a plus d'Outreau ! Et pour plus personne, ils sont tous innocents."

"Un peu sous le choc" après l'annonce de cet acquittement qui lui "fait très plaisir", Daniel Legrand va désormais essayer de se tourner vers l'avenir : "Je vais retrouver ma vie d'avant, j'espère aller de l'avant", a-t-il affirmé, espérant "retrouver [son] garçon". Et de lancer, du nom de son petit garçon de cinq ans : "Tom, j'arrive!"

"Mon père serait fier de moi". Legrand fils a également rendu hommage à son père, acquitté d'Outreau et décédé en 2012, et avec qui il avait partagé ce calvaire judiciaire. "Je pense que mon père serait fier de moi", a-t-il confié. "Moi et mon père, on est innocents. Je le dis avec force, courage et dignité", avait déclaré Daniel Legrand à la presse quelques minutes avant que la cour ne se retire pour délibérer. Le président avait alors clos les débats de ce procès entamé le 19 mai, avant de se retirer avec l'ensemble de la cour parmi lesquels les six jurés, quatre femmes et deux hommes.

Tensions devant le palais. En revanche, la situation s'est quelque peu tendue sur les marches du tribunal lorsque les avocats de la défense sont apparus. Des militants se disant "anti-pédophiles" et convaincus de la culpabilité de Daniel Legrand se sont mis à huer et à l'insulter de "violeur". Des "cris de haine et de honte" a qualifié le conseil de Legrand fils. "Je regrette que des gens aient invectivé les avocats de la défense : ils ne respectent pas une décision de justice. Cette décision rendue aujourd'hui permet de clore l'affaire d'Outreau, c'est une évidence", a ,quant à lui, déclaré peu après Me Patrice Reviron, avocat de Jonathan Delay.

Jonathan Delay, plus serein. "Ce sont des gens qui sont venus pour me soutenir, malheureusement la décision ne m'a pas été favorable", a dit Jonathan Delay, tout en soulignant : "Je respecte le choix de la justice". Le jeune homme de 21 ans, seul de la fratrie Badaoui-Delay présent à l'énoncé du verdict, a fait preuve de sérénité sur les marches du tribunal : "Avec ce procès, j'ai eu l'occasion d'être entendu [...] j'ai pu dire ce que j'avais à dire. J'étais venu récupérer ce statut de victime qu'on ne m'a jamais donné". "Je suis venu à la barre avec un poids que je portais depuis de nombreuses années et je suis reparti sans ce poids", a-t-il ajouté.

Suivez le procès minute par minute en compagnie de notre journaliste Noémie Schulz depuis Rennes :

Acquitté en tant que majeur. L'accusé encourait 20 ans de réclusion criminelle pour des accusations d'agressions sexuelles et viols sur enfants qu'il était accusé d'avoir commis avant ses 18 ans. Ces accusations n'avaient pas encore été jugées lors des procès de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, en 2004 et Paris en 2005 à l'issue desquels il avait été acquitté, comme 12 autres des 17 accusés, parmi lesquels son père, décédé depuis.

Les parties civiles plaident la culpabilité. Les parties civiles qui défendent les enfants Delay, reconnus victimes de leurs parents et d'un couple de voisins en 2004, avaient, eux, plaidé la culpabilité de Daniel Legrand. L'avocat général Stéphane Cantero avait, lui, requis jeudi son acquittement au nom de son "innocence". Et, comme à Paris en 2005, les avocats de la défense ont renoncé à plaider.