"On a des coups de feu partout…" : les échanges des policiers au soir des attentats du 13 novembre

© MATTHIEU ALEXANDRE / AFP
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Les échanges radio de la police, le soir du 13 novembre, ont été passés au crible par les juges d'instruction. 

Ce sont des enregistrements qui dévoilent la stupeur et l'effroi des policiers au soir du 13 novembre. Mais aussi les nombreux signalements et fausses alertes auxquels ils ont dû faire face en pleine action. Dans le cadre de l'enquête sur les attaques ayant frappé Paris ce soir-là, la justice a eu accès aux échanges radio de la "conférence 43", le canal par lequel passent les policiers de l'est parisien pour parler entre eux. Et L'Obs a pu consulter ces communications, qui viennent compléter le récit que l'on avait déjà pu dresser de l'attaque du Bataclan, grâce à un dictaphone retrouvé.

21h28. La soirée des policiers bascule avec un premier message radio, à 21h28. C'est l'un des chefs lui-même qui ordonne à ses équipes du Xe arrondissement de se rendre sur place, alors que des dizaines de coups de feu viennent de retentir, rue Bichat, où les terrasses du restaurant Le Petit Cambodge et du bar Le Carillon sont visées par les terroristes.

"Y a des gens qui ont arrosé à la Kalach'". "Il faut du monde sur place, il y a plein de blessés par balles !", lance à 21h31 l'un des premiers hommes arrivés sur les lieux. Dans la foulée, un collègue indique : "Une dizaine de personnes ne bougent plus". Alors que les premiers secours doivent être organisés en attendant l'arrivée des pompiers, le commando des terrasses poursuivent leur parcours meurtrier dans la capitale.

Rue de la Fontaine au Roi, dans le XIe arrondissement, puis rue de Charonne, au 92. "Au niveau d'un bar, apparemment, ils ont... Y a des gens qui ont arrosé à la Kalach' au niveau du bar La Belle Époque. Nombreux blessés par balle [...]", déclare un fonctionnaire à 21h44. Dans la précipitation, le policier, qui mange à moitié ses mots, se trompe sur le nom du bar : il s'agit en réalité de La Belle Equipe, là où périront le plus de victimes.

"Bataclan. Bataclan". Six minutes plus tard, alors qu'il annonce de nouveaux coups de feu boulevard Voltaire, un collègue dit dans sa radio, abasourdi : "Donc, on a des coups de feu de partout…" Il est 21h50. Les détonations proviennent en réalité du Bataclan. Dans la salle de concert où joue le groupe Eagles of Death Metal, les coups de feu retentissent depuis une dizaine de minutes déjà. Un message radio donne l'alerte, à 21h54 : "Bataclan. Bataclan. Apparemment, trois individus identifiés à l'intérieur (...) trois tireurs.... Apparemment ils arrivent au niveau du balcon, c'est reçu ?" 

"On est à deux, on peut difficilement progresser". A peine deux minutes après l'appel, un commissaire de la BAC (Brigade anti-criminalité) et son chauffeur pénètrent dans la salle de concert. Le policier est le premier sur les lieux. Il dispose seulement de son arme de service et d'un gilet pare-balle. "Je suis dans le Bataclan plusieurs dizaines de morts, individus retranchés à l'étage certainement, qui font toujours feu hein... On est à deux, on peut difficilement progresser", transmet-il à ses collègues en attendant les renforts.

Le commissaire tient en joue l'un des trois kamikazes, identifié a posteriori comme Samy Amimour, puis tire.  "Un terroriste abattu sur le Bataclan. A priori ils ont fait péter une bombe également hein ! On continue à progresser", informe-t-il. Cette "bombe", c'est la ceinture d'explosifs que portait le terroriste, tout comme ses deux compagnons, Ismaël Omar Mostefaï et Foued Mohamed-Aggad.

"Top camera". Pour les deux hommes, il est impossible de progresser sans renforts. Les deux terroristes encore en vie montent alors à l'étage avec des otages et menacent de les tuer. "Pour information, les démineurs nous informent que si les individus qui sont retranchés au Bataclan ont des ceintures de TATP, s'il y a des échanges de coups de feu, euh... ça peut exploser", indique un des policiers de la BAC à l'Etat-Major, peu avant que soit déclenché l'assaut final. A 00h19, l'ordre de lancer l'assaut est donné.

Une fois les deux terroristes morts, le travail des policiers n'est toutefois pas terminé. Encore effrayés, des spectateurs réfugiés se refusent à sortir de leurs cachettes. Sur le canal radio, un policier interroge : "Est-ce qu'ils doivent ou pas ouvrir la loge ? Ils ne savent vraiment pas si ce sont des policiers !"