Michel Courtois, victime collatérale du tueur de l'Essonne

La prison de Fleury-Merogis où Michel Courtois a été incarcéré à tort.
La prison de Fleury-Merogis où Michel Courtois a été incarcéré à tort.
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avec AFP , modifié à
Accusé et emprisonné à tort pour le premier des quatre meurtres imputés à Yoni Palmier, l'homme réclame aujourd'hui 600.000 euros à la justice.

Nathalie Davids, laborantine de 35 ans, est retrouvée morte dans un parking de Juvisy-sur-Orge, le 27 novembre 2011. Son corps, atteint de sept balles, gît dans une mare de sang à coté de sa voiture.  Très vite, l'enquête s'oriente sur la piste du crime passionnel. L'entourage de la victime évoque un ancien amant qui aurait harcelé la jeune femme. Il se nomme Michel Courtois et il est arrêté quatre jours plus tard. L'homme avoue, puis se rétracte avant de finir en prison. Il n'en sortira qu'en juin 2012.  

Michel Courtois a en fait été arrêté puis incarcéré à tort, pour le premier des quatre meurtres imputés à Yoni Palmier, le "tueur de l'Essonne", jugé à Evry à partir de mardi. Aujourd'hui âgé de 49 ans, cet ouvrier du bâtiment réclame 600.000 euros à la justice.

"Je ne savais pas ce qui m'arrivait". Genou dans le dos, fusil à pompe sur la nuque : "bouge pas connard !". C'est par une interpellation musclée que débute, le 1er décembre 2011, le cauchemar de Michel Courtois.  "Il devait être six heures moins dix, j'allais me lever pour aller au travail", se souvient-il. "Et j'ai entendu un boum": sa porte d'entrée a été fracassée par la police : il est interpellé dans son lit, chez lui, à Bois-Colombes, dans les Hauts-de-Seine. "Ils m'ont menotté. Je ne savais pas ce qui m'arrivait", témoigne-t-il. "Ils avaient bouclé le quartier avec des policiers cagoulés". Ce jour-là, Michel Courtois observe, stupéfait, les enquêteurs "fouiller partout", son logement, sa cave, sa camionnette, à l'aide d'un chien policier. Puis, il leur demande : "mais qu'est-ce que j'ai fait ?" .

"Déboussolé", il passe aux aveux.  En garde à vue, les enquêteurs lui disent posséder "des preuves irréfutables", notamment "des traces de poudre" sur ses vêtements. Au final, elles se révéleront comme des restes de ponçage et de soudure. "Complètement déboussolé", Michel Courtois avoue. "Le policier posait une question et je répondais oui ou non", raconte cet homme fruste, aux traits burinés et aux grands yeux bleu ciel. "Je ne savais pas sur quelle planète j'habitais". Il se rétracte et clame à nouveau son innocence dès le lendemain devant un juge. Mais il est trop tard. Avec un mobile crédible et des aveux, Michel Courtois apparaît comme le suspect idéal, pour la justice et la presse.

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© AFP

"Au 3e meurtre, j'étais comme un petit prince en prison".  Un premier rebondissement survient deux mois après son arrivée en prison, le 22 février 2012.  Un homme est tué d'une balle dans la tête, à Juvisy-sur-Orge, dans le même parking où a été assassinée Nathalie Davids. Puis viennent deux autres victimes, en mars et en avril, à quelques kilomètres de là. La même arme a servi pour les quatre meurtres : Michel Courtois a enfin une chance d'être innocenté. Mais malgré l'arrestation de Yoni Palmier et des demandes de libération, l'homme reste en détention. "Au troisième meurtre, j'étais comme un petit prince en prison", glisse-t-il cependant. "Quand vous êtes innocent, les gens (gardiens et détenus) vous soutiennent". A sa disposition en cellule, un lecteur DVD et une PlayStation.

"La justice m'a mis dans une grosse galère" . "Courtois ! Libérable !", lui annonce finalement un gardien un jour de juin, à sa plus grande surprise. Faute d'avoir établi un lien avec Yoni Palmier, la juge en charge du dossier le libère. Le retour à la liberté est cependant délicat: un doute subsiste dans l'esprit des gens, dit-il, même maintenant qu'il est totalement blanchi.

"J'ai perdu mon boulot à cause de ça", affirme-t-il. "La justice m'a mis dans une grosse galère. Je dois des sous aux impôts, des mois de loyer". Il maugrée contre sa première avocate, qui ne l'aurait pas défendu le jour des aveux, et la juge d'instruction, responsable selon lui de ses six mois de détention. Il réclame 600.000 euros de dédommagement, mais en espère "200 ou 250.000". "Faut bien qu'ils payent leurs erreurs, aussi !"

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