Meurtre de Nelly Haderer : "il faut modifier le code de procédure pénale"

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et Wendy Bouchard , modifié à
L’AVIS DE - Philippe Bilger, magistrat honoraire, estime que le gouvernement doit envisager une loi.

L’INFO. Rebondissement dans l’affaire du meurtre de Nelly Haderer. Jeudi, Pierre-André Babel, l’avocat de plusieurs parties civiles, a en effet annoncé que des traces de l'ADN de Jacques Maire ont été retrouvées sur le jean de la victime. Mais la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle ayant définitivement acquitté Jacques Maire en octobre 2008, ce dernier ne peut judiciairement plus être inquiété. En droit, on appelle ça "l’autorité de la chose jugée".

>> Philippe Bilger, magistrat honoraire, a répondu aux questions de Wendy Bouchard et des auditeurs dans Europe 1 Midi.

Un acquittement doit-il être définitif ? Je comprends que l’on se pose cette question, mais j’espère que l’on y trouvera une réponse convenable. Il est évident que quand on a la certitude qu’un acquittement n’est pas justifié, il faut s’interroger très profondément et éventuellement envisager une modification du code de procédure pénale. Je suis intellectuellement choqué. Imaginons qu’un avocat fasse acquitter un coupable, on considère que c’est une victoire de la défense. Ne pas pouvoir revenir sur un acquittement scandaleux, on considère que c’est une conquête de la démocratie. Il y a deux poids deux mesures et il me semble qu’il serait temps, enfin, de s’intéresser aux victimes.

 Philippe Bilger réagit à l'affaire Nelly Hadererpar Europe1fr

Y a-t-il tout de même un recours pour envisager un nouveau procès ? L’avocat des familles l’espère, mais je ne vois pas, en l‘état du droit, comment il pourrait faire. Certes, des avocats ont parfois une ingéniosité juridique totale, mais là, il semble bloqué, à moins d’un changement de la loi.

Faut-il donc remettre en question "l’autorité de la chose jugée" ? Bien sûr. On n’hésite pas la remettre en question et à envisager des modifications très importantes en faveur des accusés. Je ne vois pas au nom de quoi on n’accepterait pas des modifications nécessaires en faveur des victimes, alors qu’en permanence on les accepte en faveur des accusés et les coupables.

Une évolution est-elle envisageable ? Je suis prêt à parier que l’on ne modifiera pas cette disposition du code de procédure pénale tant que nous aurons cette philosophie pénale à la tête de l’Etat. Je suis prêt à parier que jamais ça ne sera accepté. Le mouvement profond, depuis, 20 mois, est très préoccupant, qui va du côté des coupables, des suspects, des transgresseurs et pas du tout en faveur des victimes.

Pourquoi a-t-on accepté au départ la réouverture du dossier ? L’avocat des victimes a eu l’habileté d’écrire une lettre au procureur général de Nancy où il souhaitait la réouverture d’une information judiciaire car, considérant que Jacques Maire avait été acquitté, il y avait forcément d’autres suspects. Et lorsque l’on a découvert l’ADN, il a demandé au juge d’instruction de le comparer avec celui d’un suspect et de Jacques Maire, et c’est comme cela que l’on a connu la vérité. Ce n’est pas neutre tout de même que la famille sache que c’était bien lui