Mediator : des tests à grands risques ?

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Servier aurait fait tester le médicament sans avertir les 423 patients des dangers.

C'est une accusation de plus contre Servier. Déjà mis en examen depuis fin 2011 pour tromperie et escroquerie, Jacques Servier, ses sociétés et des dirigeants sont de nouveau menacés par la justice. Les laboratoires Servier auraient réalisé un test clinique sur 423 patients sans jamais les informer des risques encourus, selon les informations de Libération qui s'est procuré des documents confidentiels.

A partir de 2005, Servier aurait pratiqué un essai clinique, baptisé "Regulate", afin de comparer les effets du Mediator avec un autre antidiabétique, l'Actos. Le but : évaluer le risque de contracter une valvulopathie ou une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) en prenant du Mediator, communément prescrit comme "coupe-faim".

Cette étude était connue. L'Agence française du médicament l'avait validée en 2001. Mais, quatre ans plus tard, au moment de lancer l'étude, Servier aurait modifié le protocole scientifique. Le document souligne notamment que le Mediator "ne requiert aucune surveillance spécifique de sécurité", selon le dossier confidentiel dévoilé par Libération et récemment transmis aux juges d'instruction en charge de l'affaire.

"Complètement manipulé"

C'est dans ces conditions que le professeur Philippe Moulin, endocrinologue choisi par Servier, prend la direction de l'étude. On lui a présenté le Mediator "comme une molécule sur le marché depuis plus de vingt ans et qui n'a jamais posé de problèmes", explique-t-il au quotidien. Néanmoins, il réclame que l'examen soit "absolument complété par une étude sur les valves et l'HTAP", ignorant "complètement que l'Afssaps avait réclamé ce type d'étude en 2001".

Un "investigateur" de Regulate se sent lui aussi floué. "On ne m'a jamais parlé des risques, j'ai recruté des patients qui ont accepté pour me faire plaisir, pour découvrir au final que je leur avais fait prendre un médicament dangereux !", s'insurge-t-il dans les colonnes de Libération. "J'ai l'impression d'avoir été complètement manipulé".

Un quart des "cobayes" malades

Les 423 patients recrutés pour cette étude ignoraient donc eux aussi tout des risques qu'ils encouraient. Le formulaire de consentement signé à partir de novembre 2005 ne fait état d'aucun risque de valvulopathie ou de HTAP.

Malgré eux, ils ont contribué au retrait du Mediator puisqu'à l'issue de l'étude, au milieu de l'année 2009, la toxicité du Mediator était prouvée. Plus d'un quart de ces patients "cobayes" ont développé des valvulopathies après un an.