Marseille : cocaïne et calamars, la "Papy connection" devant la justice

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Raymond Mihière, dit "Le Chinois", ici en 2011, figure du Milieu marseillais, est soupçonné d'être l'organisateur de ce trafic de drogue entre l'Amérique du Sud et la France © AFP
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M.-A.B. avec AFP , modifié à
Quinze figures du banditisme marseillais sont jugés à partir de lundi dans une affaire d'importation de drogue depuis l'Amérique Latine. Parmi eux, deux septuagénaires et anciens de la célèbre "French Connection". 

Depuis le Chili, la cocaïne devait transiter jusqu'en France dans des conteneurs de calamars congelés ou, à partir du Pérou, dans les valises de "mules" fortement rémunérés. Quinze figures du grand banditisme méridional sont jugées à partir de lundi par le tribunal correctionnel de Marseille. Dans ce procès, la moyenne d'âge des principaux prévenus se situe autour des 65 ans. Parmi eux figurent notamment Laurent Fiocconi et Joseph Signoli, 74 ans et 78 ans, deux anciens passeurs de la célèbre French connection, condamnés au début des années 1970.  On comprend mieux pourquoi ce dossier est surnommé par certains de ses acteurs comme celui de la "Papy connection".

Une figure du milieu sous surveillance… Cette affaire débute par  un échange de renseignements entre les services d'enquête anti-stupéfiants allemand, espagnol et français sur Raymond Mihière. Ce Marseillais de 64 ans est officiellement installé à Gérone, près de Barcelone, où sa compagne gère une fabrique de savons. Surnommé "Le Chinois", l'homme est aussi une figure du Milieu marseillais, condamné à six reprises notamment pour trafic de stupéfiants. Raymond Mihière se trouve sous surveillance quand en juillet 2011, il prépare, selon les enquêteurs, l'importation d'un stock de cocaïne dissimulé dans un conteneur de produits de la mer surgelés en partance du Chili. 

…et une affaire qui capote. Mais le voyage avorte. Les douanes espagnoles surveillent de leur côté les conteneurs de la société devant assurer le transport de la drogue. Or, les écoutes établissent l'existence d'un lourd contentieux entre investisseurs et transporteurs. C'est finalement par un mode de transport plus classique que la drogue est importée : des "mules" prenant l'avion avec de la drogue dissimulée dans leur valise. Le 2 mars 2012, un Corse du nom de Savellin Savelli est arrêté à Buenos Aires avec six kilos de cocaïne.

25 kilos de blanche dans une valise. C'est en novembre 2012 que le piège se referme  sur le réseau de trafiquants présumés. Une mule en provenance du Pérou est interpellée à son arrivée à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. L'homme, un certain Jacky Slovinsky, reconnait avoir reçu la promesse de toucher 50.000 euros pour ce voyage. Dans ses valises, les enquêteurs découvrent 24,5 kilos d'une cocaïne pure à 99%.

Les interpellations des autres prévenus sont orchestrées dans la foulée par l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS). Trois suspects sont arrêtés au Coudray, en Eure-et-Loir, au domicile d'une autre figure emblématique du banditisme. Il s'agit d'Ange Buresi, 49 ans, qui s'était évadé de la prison Marseille des Baumettes en 1999 par hélicoptère, alors qu'il purgeait une peine de quinze ans pour meurtre.

A ses côtés, Raymond Mihière l'homme par qui l'affaire avait débuté. "Le Chinois" a avoué son implication, mais au titre de simple "cheville ouvrière" et non d'organisateur. Selon ses déclarations, il n'a fait que réceptionner la cocaïne pour la remettre à des commanditaires qu'il dit ne pas connaître. 

Les deux papys de la "French" ont-ils replongé ? Les autres des prévenus sont interpellés dans la région marseillaises et dans les Pyrénées-Atlantiques notamment. Parmi eux se trouvent deux vieilles connaissances de la justice : Joseph dit Jo Signoli et Laurent Fiocconi, les doyens des suspects dans ce dossier.  Jo Signoli et Laurent Fiocconi affirment qu'ils ne se sont plus revus depuis leurs condamnation, en 1973 et 1974. Ils étaient alors accusés d'avoir assuré, à la fin des années 1960,  le transport de l'héroïne raffinée par les "chimistes" marseillais vers le marché nord-américain, la fameuse "French connection".

"  J'ai une retraite assez décente pour pouvoir vivre, je ne veux plus rien avoir à faire avec ce milieu  "

Jo Signoli, 78 ans, a reconnu avoir donné un coup de pouce à un ami, Jean-Robert Erera, recruteur présumé de la "mule". "Malheureusement mon nom est respecté dans le milieu vu mon passé", a expliqué le septuagénaire. Ajoutant : "J'ai une retraite assez décente pour pouvoir vivre. J'ai mon petit de 23 ans qui a réussi dans les études, je ne veux plus rien avoir à faire avec ce milieu".

De son côté, Laurent Fiocconi, 74 ans, surnommé Charlot est aussi l'auteur d'un livre de mémoires intitulé "Le Colombien : des parrains corses aux cartels de la coke". Il a affirmé, au cours de l'instruction, que ses nombreux contacts avec Raymond Mihière ne concernaient que des affaires liées à des savons, à la vente de terrains ou l'achat d'ampoules.

Le procès doit durer jusqu'au 6 novembre.