Le mea culpa du frère Albert

Le frère Pierre-Etienne Albert encourt dix ans de prison.
Le frère Pierre-Etienne Albert encourt dix ans de prison. © Maxppp
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avec Benjamin Peter et AFP , modifié à
Au premier jour du procès de ce moine pour pédophilie, ses supérieurs, eux, se sont défaussés.

Sa voix était un peu chevrotante. Le frère Pierre-Etienne Albert a exprimé son repentir mercredi à Rodez aux dizaines d'enfants ayant subi des années durant ses actes de pédophilie. Il comparaît devant le tribunal correctionnel pour des faits d'agressions sexuelles commis entre 1985 et 2000 sur 38 garçons et filles alors âgées de 5 à 14 ans.

"Le fait de me retrouver devant la justice est très important par rapport à mes victimes. J'espère qu'elles trouveront un certain apaisement après ce procès, je l'espère de tout cœur", a dit le prévenu devant les  victimes, aujourd'hui adultes, présentes au premier jour du procès.

Pierre-Etienne Albert, discret dans une veste sombre étriquée, ne nie pas les faits. Il a confessé ses fautes, il a produit une liste de 57 noms d'enfants sur lesquels il s'était livré à des attouchements, des caresses, des baisers alors qu'il était chantre de la communauté catholique des Béatitudes.

Un "pédophile séducteur"

Pourquoi celui que les experts psychiatres décrivent comme un "pédophile séducteur" et chez qui les parties civiles voient plutôt un "pédophile prédateur" n'a-t-il pas essayé de garder ses distances avec l'objet de la tentation, lui demandent d'emblée les avocats des victimes. "Comment voulez-vous que je fasse ? Je suis comme le renard dans le poulailler, je suis dans une communauté où c'est bourré d'enfants", répond le prévenu alors que des sanglots éclatent sur le banc des victimes.

Pour Me Stéphane Mazars, avocat de Solweig Ely, l'une des victimes, il ne s'agit que d'une stratégie pour minimiser les faits. "Pour la séduction, comme le fait remarquer le procureur de la République, il faut être deux : un séducteur et la personne séduite", affirme Me Mazars au micro d'Europe 1. "Là, la personne séduite c’est quand même une enfant. Quand on le questionne et qu’on le pousse un peu dans ses retranchements, il dit "j’étais comme un renard dans un poulailler". Il accepte d’être le renard dans le poulailler. Un renard que je sache, j’ai appris les fables, c’est un prédateur pour les pauvres poules", conclut l'avocat.

"Pour la séduction, il faut être deux" :

Selon Me Elisabeth Rudelle-Vimini, son avocate, Pierre-Etienne Albert se prépare depuis longtemps à ce moment ; il est "angoissé, ému et très perturbé... mais aussi soulagé car la justice des hommes va enfin passer". "Ces faits font l’objet d’un aveu concordant avec les victimes. Pourquoi mentir ? Pourquoi aller au-delà de la réalité des faits de ce qu’est Pierre-Etienne Albert", a souligné Me Elisabeth Rudelle-Vimini sur Europe 1.

"On l'appelait Monsieur Papouilles"

Les faits ont été dénoncés en 2000. Alors saisi, le tribunal d'Avranches dans la Manche s'était déclaré incompétent et le dossier avait dormi jusqu'en 2008. Mercredi après-midi, ce sont les anciens supérieurs de Pierre-Etienne Albert qui sont venus à la barre pour s'expliquer. Avec difficultés. En proie aux remords, Pierre-Etienne Albert s'était en effet ouvert de ses penchants auprès de différents responsables de la communauté, comme Philippe Madre dès 1989. Philippe Madre dit aujourd'hui avoir sous-estimé les faits que Pierre-Etienne Albert lui avouait. "On l'appelait Monsieur Papouilles. Il avait l'habitude des effusions autant avec les adultes qu'avec les enfants".

Le procès se poursuit jeudi. Le prévenu encourt dix ans de prison.