La dérive sectaire des "Béatitudes"

Pierre-Etienne Albert était membre des "Béatitudes" au sein de l'abbye de Bonnecombe, dans l'Aveyron.
Pierre-Etienne Albert était membre des "Béatitudes" au sein de l'abbye de Bonnecombe, dans l'Aveyron. © MAX PPP
  • Copié
Charles Carrasco avec agences , modifié à
Le procès du frère Pierre-Etienne Albert met en lumière les pratiques de cette communauté.

Il était le chantre de la communauté religieuse des Béatitudes. Il est aujourd'hui le principal accusé d'une effroyable affaire de pédophilie. 57 enfants ont été abusés par le frère Pierre-Etienne Albert en 26 ans. Toutes les victimes avaient entre 5 et 14 ans.

Jugé mercredi par le tribunal correctionnel de Rodez pour des faits d'agression sexuelle sur 38 victimes, le procès tentera aussi de faire la lumière sur le fonctionnement de cette organisation religieuse.

La naissance

Gérard Croissant, alias frère Ephraïm, fonde "les Béatitudes" en 1973. C'est une allusion au nom donné à une partie du "Sermon de la Montagne", rapporté dans les "Evangiles de Mathieu". Très rapidement, la communauté s'étend dans vingt-six pays et répand l'idée d'une utopie qui gouvernait les premiers chrétiens. En France, on dénombre vingt-neuf communautés qui s'implantent dans des châteaux, dans un hameau privé ou dans un ancien couvent.

La philosophie

"Les Béatitudes" ont trois mots d'ordre : pauvreté, obéissance et chasteté. Familles, enfants, couples, et hommes d'église se côtoient et partagent leur vie ensemble. Les activités sportives, les sessions de psychothérapie et le potager se font à plusieurs dans cette communauté née d'un "mouvement d'expression joyeuse de la foi".

Appropriation des biens

Dès 1998, la communauté est listée dans le "dictionnaire des sectes" éditée par une association laïque, "le Centre des manipulations mentales". Mais à cette époque, aucun membre de la communauté ne brise le silence. Il faudra attendre que le père Jean-Baptiste Tison, un des anciens des "Béatitudes", ne parle pour que les dérives sectaires soient mises au grand jour. Plusieurs associations antisectes se sont déjà mobilisées. La Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, a lancé un appel sérieux de mise en cause. Mais pour l'instant, la communauté des "Béatitudes" n'est pas officiellement considérée comme une secte.

Pourtant, deux types de dérives ont été pointées. La première "sur le plan financier, avec la désappropriation des biens des personnes et des familles", confiait récemment le père Tison à un journaliste de France 2. En s'engageant au sein de la communauté, les membres doivent remettre leurs fortunes, biens ou héritages au "berger", le leader de la communauté. On incite aussi les familles à reverser une partie de leurs allocations familiales. Plusieurs enquêtes sur place ont révélé un patrimoine immobilier important. La communauté édite des revues, possède une radio et une maison d'édition de chants religieux. 

Plusieurs plaintes ont été déposées contre les Béatitudes pour "travail dissimulé" et "abus de faiblesse" mais elles n'ont pas abouti.

Des pouvoirs "surnaturels"

L'autre dérive est celle de "la manipulation mentale". L'objectif était "d'avoir une emprise sur les personnes", ajoute le père Tison, sur France 2. Ephraïm, le fondateur de la communauté, se pose en exorciste guérisseur. Comme le raconte un journaliste du magazine des Inrockuptibles, Alain est "accro" à l'héroïne en arrivant dans la communauté de Cordes, dans le Tarn. Ephraïm le persuade qu'il est capable de le guérir. Il l'exorcise la nuit et parvient, dit-il, à "déloger le diable". Alain est convaincu d'avoir été sauvé par son "gourou".

En 2007, Ephraïm finira par être révoqué par l'église. Il quitte la communauté. Des journalistes de l'agence Capa l'ont retrouvé à Labrit, dans les Landes, au sein de l'association Kinor. Officiellement sans lien avec les "Béatitudes", celle-ci dispense des stages d'aide psycho spirituelle et vend des cassettes et DVD du maître.