Incompréhension à Clichy-sous-Bois après la relaxe des policiers

Clichy-sous-Bois, Seine-Saint-Denis, Zyed et Bouna.
La ville de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. © DOMINIQUE FAGET / AFP
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Martin Feneau avec CB , modifié à
Les habitants de Clichy-sous-Bois acceptent difficilement la relaxe des deux policiers, poursuivis pour non-assistance à personne en danger, dix ans après le drame qui a coûté la vie à Zyed et Bouna.
REPORTAGE

Quelques centaines de personnes se sont rassemblées lundi soir à Bobigny pour dénoncer la relaxe prononcée à l’encontre des deux policiers, poursuivis pour non-assistance à personne en danger, dix ans après le drame qui a coûté la vie à Zyed et Bouna. Les deux jeunes originaires de Clichy-sous-Bois avaient trouvé la mort électrocutés à l'issue d'une course-poursuite. Mais le tribunal correctionnel de Rennes, suivant les réquisitions du parquet, a jugé que les deux policiers n'avaient pas connaissance d'un danger "certain et imminent". Dix ans après les émeutes provoquées par la mort des deux jeunes, la relaxe des policiers reste en travers de la gorge des habitants de Clichy-sous-Bois, comme l'a constaté Europe 1.

"Avoir un acquittement ce n’est pas normal". Depuis la banquette qu’il occupe au fond du restaurant Kebab, Karim guette la télévision. Le jeune homme habite le quartier depuis 20 ans et, lui qui a participé aux émeutes, n’admet pas le verdict à l’encontre des policiers. "Le jugement est tombé. Je ne sais pas comment vous dire. Ça fait dix ans que l’on attend une réponse positive de la part de la justice. On sait que ce sont des policiers, on ne veut pas qu’ils se mangent de la prison, on veut juste qu’ils reconnaissent leurs torts. Avoir un acquittement ce n’est pas normal", déplore-t-il.

"Il faudra leur expliquer". Alors que la sonnerie retentit dehors pour marquer la fin de l’école, une institutrice s’inquiète de savoir comme elle va aborder la question avec ses élèves. "Il faudra leur expliquer pourquoi ils ont été poursuivis, pourquoi on en est arrivé là. Pour eux, la justice, c’était de condamner les policiers. Je leur dit qu’il faut faire confiance en la justice, que la justice a fait son travail. Que j’y crois ou pas, c’est mon devoir de leur dire ça", estime l’enseignante.

"L’idée est de savoir ce que l’on fait après". Alors que cette enseignante dialogue en salle de cours, Wahid Bouzidi, lui, milite dans la rue. Ce membre du collectif ACLEFEU, créé après les émeutes, apaise la colère de certains jeunes. "Qu’est-ce- que vous allez faire ? Vous allez acheter un fusil et tuer les gens ? Le seul moyen c’est de dire pacifiquement qu’il faut que ça change. Est-ce qu’un seul être humain sur la planète peut nous rendre Zyed et Bouna. C’est impossible, ils sont partis il y a dix ans. L’idée est de savoir ce que l’on fait après", martèle-t-il.

Militer, c’est ce qu’il conseille, même s’il a du mal à se faire entendre. Un habitant  lui rétorque : "Ça fait dix ans que l’on milite pour la justice, pour Zyed et Bouna, et aujourd’hui ce combat est perdu".

Des manifestations en France. C’est justement pour montrer leur incompréhension face à ce jugement que quelques centaines de personnes se sont rassemblées lundi soir à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Ce rassemblement de militants des quartiers populaires ou engagés contre les violences policières, qui a débuté vers 19 heures devant le tribunal, a été dispersé par la police deux heures plus tard. Si le rassemblement s’est déroulé dans une ambiance "un peu tendue", il n'y a eu ni blessé, ni interpellations de manifestants. Outre le rassemblement de Bobigny, une centaine de personnes se sont rassemblées à Lyon, en criant "pas de justice, pas de paix", et quelque 180 personnes ont manifesté dans le calme à Toulouse.