Handicapés maltraités : l’enquête choc

L'enquête de M6 a réussi a faire rentrer ses caméras dans des lieux fermés.
L'enquête de M6 a réussi a faire rentrer ses caméras dans des lieux fermés. © Eruope1.fr
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Damien Brunon , modifié à
RECIT - Un documentaire diffusé dimanche montre les maltraitances dans la prise en charge des enfants handicapés et les dérives financières de cet univers.

L’INFO. Les images sont violentes, dérangeantes, les justifications des professionnels, étonnantes. Une enquête diffusée dans l’émission Zone Interdite sur M6 dimanche montre la détresse de familles d’enfants handicapés. Certains ont été insultés, frappés, bourrés de neuroleptiques. En plus des dérives violentes, le documentaire montre la détresse des familles et l’intérêt financier que certains trouvent dans cette situation, notamment en Belgique.

Des familles délaissées. “On est plus invité, on est évité” : les mots de André, le père d’Eva, sont durs. Sa fille de 18 ans, autiste sévère de la région de Nevers, est l’une des enfants filmée dans le documentaire. Elle vit chez ses parents parce qu’aucune structure ne peut ou ne veut l’accueillir. La faute à un système français à bout de souffle.

La vie de la jeune fille est difficile : le moindre détail du quotidien peut lui provoquer des crises de nerfs et la pousser à se faire mal. Pour la rendre plus simple à la maison, Murielle, sa mère, ne travaille plus depuis de nombreuses années.

Pendant une période, la famille Marguerite avait trouvé une place dans un hôpital pour Eva. Problème : au bout d’un mois, ils se sont aperçu que leur fille était bourrée de neuroleptiques et attachée à son lit presque toute la journée.

L’exemple de Monchy-le-Preux. Le quotidien de cette famille, comme celui de beaucoup d’autres en France, s’apparente au parcours du combattant. Le documentaire de M6 prend également l’exemple de la famille de Kevin, un trisomique qui habite près d’Arras dans le Pas-de-Calais. Ses parents lui ont trouvé une place dans l’Institut Médico-Educatif (IME) de Monchy-le-Preux. Mal leur en a pris puisque des images tournées en caméra cachée par un agent d’entretien ont montré les maltraitances, insultes et coups, dont étaient victimes les pensionnaires de la structure.

La justice est depuis passée par là, condamnant les éducateurs à l’origine des coups, mais l’affaire a laissé des traces. Des familles, effondrées, se succède devant la caméra de M6. “On montre des images de guerre, il faut montrer celles-là pour que les gens ne puissent plus dire qu’ils ne savaient pas”, réagit Hugo Horiot, ancien autiste et auteur du livre L’empereur, c’est moi, à Europe1.fr. Etant jeune, on lui avait prédit une vie similaire aux enfants filmés dans le documentaire. Grâce au dévouement de sa mère et à une éducation adaptée à son handicap, il a réussi à se construire pour vivre en autonomie.

La solitude des lanceurs d’alerte. Si l’on ne sait pas précisément dans quelles structures des dérives apparaissent, les auteurs du documentaires jugent qu’ils ont recueilli assez de témoignages pour considérer que cela arrive régulièrement. Une situation notamment causée par une omerta entretenue par les principaux acteurs du milieu et déjà dénoncée dans un rapport du Sénat en 2003.

Les rares personnes qui brisent le silence sont prises à parti. David, l’agent d’entretien de Monchy-le-Preux, s’est fait attaquer en justice par ses collègues après ses révélations. Et alors que le tribunal lui a donné raison, il est désormais mis à l’écart sur son lieu de travail.

Un sort similaire avait été réservé en 1999 à Bernadette, qui avait dénoncé les conditions exécrables dans lesquelles étaient accueillis les enfants à l’IME de Moussaron dans le Gers. A l’époque, elle avait été licenciée pour avoir dénoncé son employeur. Quinze ans après, le même type de plainte est venu confirmer ce qu’elle disait à propos de ce centre.

Un manque de place. Le problème est que les familles sont prises entre deux feux. D’un côté, elles ont d’énormes difficultés à s’occuper de leurs enfants à la maison, de l’autre, certaines structures qui les accueillent ne s’en occupent pas bien.

Selon le documentaire, il manquerait environ 13.000 places pour les enfants handicapés en France. Interrogé, le directeur d’un IME situé à quelques kilomètres de la maison d’Eva confirme cette estimation. “Au mois d’avril 2013, nous avions 102 personnes sur la liste d’attente”, révèle-t-il devant les caméras de M6, estimant qu’il faudrait 20 ans pour obtenir une place dans sa structure.

Envoyés en Belgique. C’est la raison pour laquelle de nombreux Français sont obligés de se tourner vers la Belgique. De l’autre côté de la frontière des dizaines de centres se sont ouverts ces dernières années : des “usines à Français”. Subventionnés par la sécurité sociale française, des enfants vont en Belgique tous les jours pour être reçus dans des structures qui ne sont jamais contrôlées.

En tout, ce sont 60 millions d’euros qui sont dépensés chaque année par la France pour “exporter” entre 4.5000 et 6.500 handicapés outre-quiévrain. “C’est une solution pour l’Etat. Les parents ne trouvent pas de place, on les oriente en Belgique et les enfants sont pris en charge”, détaille Marion Claus, la rédactrice en chef de Zed, la maison de production à l’origine du documentaire. Une réalité que dénoncent depuis longtemps les associations dans l’Hexagone. 

Une situation dramatique pour de nombreuses familles à laquelle la ministre déléguée aux personnes handicapées a réagi vendredi. “Je veux à la fois être ambitieuse et ferme pour assurer la dignité des personnes handicapées. (...)  Mais les professionnels, les gestionnaires d’établissements et les associations sont aussi concernés. Tout le monde doit se mobiliser ; l’enjeu est grave”, a-t-elle déclaré dans un communiqué.

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