En 2015, 405 disparitions "inquiétantes" de mineurs ont été signalées

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Photo d'illustration © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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INTERVIEW - Anne Larcher, directrice du Centre français de protection de l'enfance répond aux questions d'Europe 1 à l'occasion de la Journée internationale des enfants disparus. 

Chaque année, la journée du 25 mai est consacrée aux enfants disparus. Un rendez-vous important pour les familles, et sur lequel revient Anne Larcher, directrice depuis deux ans du Centre français de protection de l'enfance. L'association est chargée de l'accueil et de l'écoute des parents d'enfants disparus au numéro européen, le 116 000.

Quelle est l'origine de cette journée internationale des enfants disparus ?

Elle a été créée aux Etats-Unis, en 1983, par le président de l'époque, Ronald Reagan, à la suite de l'émoi suscité par la disparition d'Etan Patz, le 25 mai 1979. Ce petit New-Yorkais de six ans avait eu l'autorisation, pour la première fois, de prendre le bus scolaire tout seul lorsqu'il a été enlevé. L'événement avait été tellement marquant, que c'est la première fois que le visage d'un enfant était imprimé sur les bouteilles de lait dans l'espoir que quelqu'un puisse le reconnaître. En Europe, elle existe depuis son lancement en 2002 par Missing Children Europe, fédération européenne de toutes les associations qui s'occupent des disparitions de mineurs.

Quel est son rôle ?

C'est que l'on parle davantage de ces enfants disparus qui n'ont jamais été retrouvés, qu'on ne les oublie pas. D'ailleurs, le symbole qui a été tout naturellement choisi pour représenter cette journée est le myosotis, une fleur dont le nom se dit en anglais "forget me not". En France, nous en profitons aussi pour faire de la prévention. Un site internet a été créé spécifiquement pour cette journée, où nous rappelons notamment l'existence du 116 000.

Sur ce site, nous proposons aussi un jeu interactif pour les enfants en âge d'aller à l'école primaire. C'est en effet l'âge auquel ils encourent le plus de risques : ils gagnent en autonomie, tout en étant encore naïfs. Ce jeu, à faire en compagnie des parents, permet de parler des situations dans lesquelles l'enfant pourrait être en danger, et qu'il soit en mesure d'adopter lui-même une attitude pour se protéger.

Combien d'enfants sont concernés en France ?

En 2015, 48.895 mineurs ont été inscrits au fichier des personnes disparues. La plupart des disparitions sont des fugues (47.970), tandis qu'une petite minorité d'enfants disparaissent dans des "conditions inquiétantes" (405 en 2015) ou sont déclarés "enlevés ou détournés" (511). En ce qui concerne les fugues, un tiers est retrouvé dans les deux premiers jours, un tiers dans le mois suivant, et un tiers au-delà. Ce que nous aimerions savoir, c'est combien d'enfants ont été enregistrés un jour dans ce fichier et n'ont jamais été retrouvés depuis… Mais ces chiffres sont très difficiles à calculer, même pour la police ou la gendarmerie.

Vous êtes chargés de la gestion du n°116 000. A quoi sert-il ?

C'est un numéro d'urgence, le même pour toute l'Europe. Gratuit, il assure une présence 24h/24, 7j/7 pour les parents que nous orientons et accompagnons tout au long de la disparition de leur enfant. Notre petite équipe, composée de juristes et de psychologues, leur donne des conseils juridiques, les assiste dans leurs démarches auprès de la gendarmerie pour "déclaration de disparition", mais les soutient aussi psychologiquement.

Dans le cas des fugues, nous allons par exemple aider à la reprise de contact avec l'enfant et à préparer son retour pour que celui-ci se passe bien. L'enjeu est qu'il ne recommence pas, que la fugue ne devienne pas un système. C'est souvent lorsque les fugues sont répétées que les problèmes surviennent, car le mineur va se mettre en lien avec des réseaux lui permettant de vivre sans sa famille, mais qui vont le mettre en danger.

Compte tenu du nombre de disparitions, les moyens dont vous disposez sont-ils suffisants ?

Notre association est entièrement subventionnée par les pouvoirs publics, nous sommes soutenus par le ministère de la Justice. Mais cela peut paraître insuffisant, car nous aimerions davantage pouvoir communiquer, produire des campagnes d'affichage plus développées. On manque aussi de moyens humains : chacun de nos intervenants spécialisés au n°116 000 est chargé d'environ 200 dossiers…

Le succès de l'alerte enlèvement

100% de réussite. C'est le bilan du dispositif "alerte enlèvement" lancé en 2006. Déclenché à 15 reprises depuis sa création - dont deux pour l'année 2015 -, ce plan est inspiré du "Amber Alert" existant aux Etats-Unis et au Canada. Il a permis, à chaque fois, de retrouver sain et sauf l'enfant porté disparu. Basé sur quatre critères - dont celui d'un enlèvement avéré - et lancé sur décision du procureur de la République, il doit être mis en place le plus rapidement possible, les premières 24 heures étant décisives pour la survie du mineur.