Comment les forces d’élite gèrent les prises d'otage

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L’essentiel, dans une prise d’otage, est de gagner du temps, confient les spécialistes. 

Deux prises d’otage au même moment. C’est la situation, "inédite" selon Christian Prouteau, fondateur du GIGN, qu'a vécue la France, vendredi. Les frères Kouachi, suspectés d’avoir pris part à la tuerie de Charlie Hebdo, étaient toujours retranchés avec au moins une personne dans une imprimerie Dammartin-en-Goële, en Seine-et-Marne quand une deuxième fusillade a éclaté, peu avant 13h, porte de  Vincennes, à Paris, débouchant sur une autre prise d’otage. Le tireur de Montrouge était en effet suspecté de retenir au moins cinq personnes dans une épicerie casher. Pour faire face à la situation, les unités d’élite de la gendarmerie et de la police sont déployées. Des spécialistes, dont Christian Prouteau, fondateur du GIGN, racontent comment ils agissent, dans de telles situations. 

>> Quelques heures avant le dénouement des deux prises d'otage simultanées, nous avons fait le point avec des professionnels : 

Gagner du temps. L’essentiel est de gagner du temps. C’est le mot d’ordre, expliquent des spécialistes qui soulignent, dans le cas présent, la détermination des frères Kouachi. Les spécialistes le savent : l’issue violente est plus que probable. "Le but est d'avoir le plus de temps possible pour élaborer un scénario d'intervention le plus chirurgical possible, pour minimiser les dégâts", confie Thierry Orosco, ancien chef du GIGN. Interrogé sur Europe1, Christian Prouteau, fondateur du GIGN l’assure : "Il y a les moyens techniques et opérationnels d’intervenir. C’est donc moins le problème, maintenant, de la résolution de l’affaire, que de comprendre ce qui se passe et de la maîtrise des événements." 

Etablir un contact et faire durer. Il faut le plus vite possible, par tout moyen, établir un contact avec les hommes armés, racontent les professionnels, puis commence un jeu psychologique qu'il faut faire durer, et dont dépendra souvent l'issue de l'affaire. "Le but est d'avoir le plus de temps possible pour élaborer un scénario d'intervention le plus chirurgical possible, pour minimiser les dégâts", confie Thierry Orosco, ancien chef du GIGN. "Le contact a été établi, en Seine-et-Marne, entre les frères Kouachi et les hommes du GIGN", confirme Christian Prouteau au micro d’Europe 1. Le dialogue se fait, "mais on connaît la détermination de ces gens", rappelle-t-il.

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La priorité des priorités, c’est la vie des otages. "La seule hypothèse dans laquelle on va intervenir sans attendre, c'est si la vie de l'otage est menacée ou les cibles tentent de fuir. Si ce n'est pas le cas, il faut tout faire pour gagner du temps", explique Thierry Orosco, ancien chef du GIGN, avant de commenter les deux prises d’otages en cours : "Dans les cas, comme cela semble l'être ici, où la reddition semble exclue, c'est essentiel." Le GIGN est "notamment connu pour, avant tout, tenter de préserver les vies humaines : les vies des otages, bien sûr, mais aussi celle des malfaiteurs", ajoute encore Ludovic François, professeur à HEC, spécialiste des questions de sécurité. "Il faut toujours travailler à les convaincre de déposer leurs armes, de se rendre sans violence, même si ça semble difficile avec des terroristes motivés. Mais plus ça dure plus ça permet de recueillir du renseignement, qui pourra jouer un rôle dans l'intervention", précise-t-il.   

Cibler l’intervention. Les heures gagnées avant un éventuel assaut permettent aussi d'établir une cartographie des lieux, de repérer les positions des ravisseurs et des otages et d'affiner la tactique d'intervention. "L'attente permet d'affiner le dispositif, d'engager une négociation ou du moins des tractations, de recueillir du renseignement, de l'affiner. Plus on a de temps et plus l'intervention pourra être précise. Il faut gagner du temps aussi si on veut mettre en place des dispositifs techniques, du genre glisser dans les pièces des micros ou des mini-caméras". De leur côté, les ravisseurs aussi ont intérêt à faire traîner les choses, afin de disposer d'un temps médiatique le plus long possible. 

La confrontation, inévitable. Evoquant la double prise d’otages, les spécialistes savent que la confrontation sera certainement "inévitable". "Donc c'est un vrai jeu de dupes, il faut savoir le jouer", précise encore Thierry Orosco, ancien chef du GIGN.  

Tenter de prendre les ravisseurs "vivants". Évoquant le précédent de l’affaire Merah, Christian Prouteau insiste sur la nécessité de prendre les malfaiteurs "vivants", pour pouvoir, par la suite, comprendre ce qui s’est produit. Le professionnel évoque aussi un problème "d’éthique" précisant : "le jour où vous prenez les armes de l’ennemi, vous lui ressemblez étrangement." Selon, lui "il faut donc faire en sorte de ramener tout le monde devant la justice. C’est un gros travail pour les unités d’intervention, avec une grosse prise de risques.  En ce qui concerne le GIGN, qui est l’unité que je connais le mieux, je sais qu’ils vont faire le maximum pour ça", assure-t-il.  

Olivier Faure, député, porte-parole du PS, espère aussi que les frères Kouachi seront arrêtés vivants afin d'organiser un "grand procès du djihad", a-t-il confié sur Europe 1. 

Fournir aux ravisseurs des moyens de communication s'ils n'en ont pas, entamer les négociations, les faire durer, échanger des concessions des ravisseurs contre, par exemple, des vivres est une tâche qui a été dévolue, depuis de nombreuses années, à des spécialistes, au sein de "cellules de négociation", qui existent au sein du GIGN, qui est à la manœuvre à Dammartin-en-Goële, ou du Raid, l'unité d'intervention de la police nationale. Au cours des dernières années, plus de 90% des missions du GIGN ont été résolues par la négociation.