Deux ans après Brétigny : "Pas un jour où je ne pense pas à la mort"

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Guillaume Biet , modifié à
Louis, âgé d'une quarantaine d'années, était à bord du train le jour de la catastrophe. Il a été grièvement blessé dans l'accident.

12 juillet 2013. Ce jour-là, le train Intercités 3657 en direction de Limoges entre en gare de Brétigny. La suite, tragique, est connue de tous : en raison du délabrement des voies, le train déraille, causant la mort de sept personnes. Louis, âgé d'une quarantaine d'années, était à bord du train le jour de la catastrophe. Il a été grièvement blessé dans l'accident. Dans un long témoignage, il raconte à Europe 1 l'accident, et le traumatisme qui est encore le sien. Deux ans jour pour jour après l'accident, une cérémonie commémorative doit par ailleurs avoir lieu dimanche après-midi en présence des familles, des victimes, et du secrétaire d’Etat aux transports, Alain Vidaliès.

"Un silence que je ressens encore maintenant". Le 12 juillet 2013 donc, Louis attend son train pour partir en week-end, celui du 14 juillet. "Je me souviens que le train était assez bondé, que j'étais en train de répondre à des emails, quand on a ressenti un dos d'âne. J'ai très nettement identifié le bruit des roues sur le ballaste. J'ai senti le wagon qui commençait à tituber, jusqu'au moment où il a fini sa course contre le quai. Il y avait un grand nuage de poussière épouvantable. Et au moment où le wagon a stoppé sa course un silence que je ressens encore maintenant", confie-t-il.

"C'était une scène de guerre". Ce silence, c'est celui des blessés et des morts broyés dans l’enchevêtrement de tôles à l’intérieur de la rame, la dernière du train. "Je me rends compte que je suis blessé et mon premier réflexe c'est de remonter dans mon fauteuil et de regarder autour de moi tout ce chaos. L'horreur a duré longtemps. C'était une scène de guerre. Et c'était apocalyptique", se souvient-il.

"Je suis toujours dedans". Deux ans après les faits, Louis garde des séquelles physiques de l'accident. "J'ai été blessé à la jambe et ça a nécessité plusieurs opérations. J'en suis à la quatrième aujourd'hui", raconte-t-il. Et au-delà des blessures physiques, Louis est confronté chaque jour aux mauvais souvenirs liés à l'accident. "Cet accident a deux ans mais je suis toujours dedans. Il n'y a pas un jour où je ne pense pas à cet accident, où je ne pense pas à la mort. Je reprends le métro mais il arrive encore très régulièrement, voire à chaque fois que je prends le métro, de voir les gens qui sont avec moi après un accident. Je les vois, comme j'ai pu voir les gens dans le wagon de Brétigny, il y a deux ans", détaille-t-il.

"La SNCF est coupable". Deux ans plus tard, certaines victimes ont déjà en partie été indemnisées financièrement par la SNCF, mais Louis estime que cela n'est pas suffisant. "La SCNF dans tout ça, non seulement je les crois responsables, mais je les crois coupables. C'est-à-dire qu'ils ont beau nous expliquer qu'ils n'avaient pas les moyens d'entretenir. Mais, en l'occurrence, ils avaient les moyens de faire une feuille de route aux conducteurs de ce train pour dire qu'à ce moment-là, il fallait réduire sa vitesse. C'est une chose qui est faite encore aujourd'hui par les gens qui prennent cette ligne. J'irai même plus loin : rien ne change, on n'entretient pas ou alors on entretient mal le réseau existant", déplore Louis.

Pour l'heure, l'enquête judiciaire sur les causes de la catastrophe est toujours en cours et un troisième juge d'instruction va prochainement être nommé sur ce dossier. Car, pour l'instant, l'enquête marque le pas.