Deux ados revenus de Syrie seront jugés pour terrorisme

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Deux adolescents toulousains ont été renvoyés la semaine dernière devant le tribunal pour enfants où ils seront jugés pour être partis faire le djihad en Syrie, début 2014.

Il s’agit d’une première en France. Deux ados partis quelques semaines en Syrie en janvier 2014 vont être jugés pour "terrorisme". Dans son ordonnance signée le 22 janvier, la juge d’instruction réclame le renvoi des adolescents devant le tribunal pour enfants pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". A l’époque des faits, leur départ en Syrie avait provoqué un électrochoc. Les candidats au djihad étaient encore peu nombreux. Et surtout, l’âge des velléitaires - 15 ans tous les deux - avait surpris les enquêteurs.

Embrigadés sur Internet. "Imagine-toi que je suis mort et fais ta vie normalement". Cette lettre succincte a été retrouvée le 6 janvier par la mère d’un des jeunes lycéens partis pour la Syrie. Ce jour-là, Y. et A. prennent le chemin du chaos syrien. Avant son départ, l'un d’eux avait demandé la somme de 500 euros à sa mère, sous prétexte d'un voyage scolaire en Espagne. Le jour fatidique, il s’était également chargé d’appeler le lycée des Arènes, à Toulouse, pour informer de leur absence.

Une fois sur place, les deux adolescents rejoignent la brigade de Mourad Farès, l'un des principaux recruteurs de djihadistes français, arrêté depuis en Turquie et remis à la France en 2014. C’est lui qui avait contribué à la radicalisation des adolescents, via les réseaux sociaux. Si bien que les parents des suspects n’ont rien vu venir. Pourtant, leurs pages Facebook étaient sans équivoque. L’un d’entre eux se révolte contre les massacres perpétrés par le président syrien Bachar Al Assad. Photos parfois sordides à l'appui, il dénonce les exactions du régime. Et semble trouver une solution dans l'Islam.

Armés mais pas formés. Depuis la Syrie, il perpétue cette pratique intensive sur les réseaux sociaux. Depuis là-bas, il répond à sa sœur éplorée, poste la photo d’un char, une autre de lui posant avec un blouson de marque et une crête gominée. Avec l’entêtement des adolescents qui prennent leur première décision, les deux jeunes hommes veulent d’abord montrer que la vie en Syrie est à la hauteur de leurs espérances.

Mais la réalité est tout autre. Les deux ados ont rejoint les rangs du groupe djihadiste Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida. Entendus à leur retour en France, ils assurent toutefois ne pas avoir été entraînés à utiliser une arme. Mais reconnaissent avoir participé à des tours de garde, armés de Kalachnikov, dont ils ne savaient pas se servir. Ce qu’ils retiennent de leur périple en Syrie, c’est surtout l’ambiance "pourrie" dans leur groupe de francophones et leur condition de vie "à la dure", rapporte Le Monde.

"Mon fils a alors pris son courage à deux mains pour faire le chemin inverse, qui est le retour", rapportait le père de Hakim en septembre dernier. Après trois semaines dans les rangs des djihadistes, les deux jeunes hommes sont récupérés à frontière turco-syrienne par leur famille. Le premier est reconduit en France le 25 janvier, le second, deux jours plus tard. 

Avaient-ils connaissance de rejoindre un groupe armé ? En garde à vue, A. explique qu’il voulait combattre le régime de Bachar Al-Assad. Y., lui, assure qu’il souhaitait venir en aide aux populations persécutées. Il faut dire qu'à l'époque - nous sommes en janvier 2014 - l'Etat islamique ne fait pas encore parler de lui, les informations sur la Syrie reposent essentiellement sur les exactions commises par Bachar Al-Assad. "Quand mon fils est parti, il pensait faire de l’humanitaire, venir en aide à des enfants. C’est sur place qu’il a déchanté", insistait le père de l’un d’entre eux au micro d’Europe 1.

Mais dans la procédure sur laquelle s’appuie la juge d’instruction, "il résulte que Y. et A. ont décidé ensemble de rejoindre en Syrie un groupe afin d’y mener le djihad armé", détaille Le Parisien. "Les affirmations des deux mis en cause concernant leur ignorance de l’existence de groupes terroristes en Syrie ne résistent donc pas aux éléments du dossier", ajoute la magistrate.

Des enfants soldats selon leurs avocats. Les avocats de la défense, eux, entendent faire valoir le statut "d’enfants soldats", ce qui les exempterait de poursuites en vertu des conventions internationales. "Alors qu’il se bat désormais contre l’endoctrinement des jeunes, ce procès sera très difficile pour lui. J’ai l’impression que la justice a voulu aller jusqu’au bout alors que ce dossier aurait dû se dégonfler", réagit Me Agnès Dufetel-Cordier, l’une des avocates de Y.

Les deux adolescents seront pourtant bien jugés. La "participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" est punie de 10 ans d'emprisonnement. En raison de "l’excuse de majorité", ils ne risquent que la moitié de la peine maximale encourue par une personne majeure, soit cinq ans de prison.