Course-poursuite mortelle à Paris : "abasourdie et accablée", la famille de Romain veut connaître la "vérité"

© BERTRAND GUAY / AFP
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Benjamin Lévêque, édité par Anaïs Huet , modifié à
Interrogé par Europe 1, l'avocat du policier qui a tué un automobiliste lors d'une course-poursuite à Paris a agi "pour sauver des vies". Une justification que conteste la famille de la victime.

L'issue de la course-poursuite aurait-elle pu être différente ? Le policier qui a tué par balle un automobiliste dans la nuit de mardi à mercredi en plein cœur de Paris était-il contraint, au vu des circonstances, de faire usage de son arme à feu ? C'est à ces questions que devront répondre les enquêteurs. 

Le rappel des faits. Romain, 26 ans, aurait refusé de se soumettre à un contrôle de police, avant de prendre la fuite, révélait Europe 1 mercredi. Le fonctionnaire, âgé de 23 ans, aurait alors bondi à l'arrière du scooter d'un particulier. Une fois bloqué dans une rue du 9ème arrondissement, l'automobiliste aurait tenté de renverser le policier descendu du scooter, en faisant une marche arrière, ce qui a amené ce dernier à faire usage de son arme. 

Jeudi soir, le policier a été mis en examen pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l'autorité publique". 

"Il faut que je l'arrête, il va tuer quelqu'un". Pour son avocat, Maître Laurent-Franck Liénard, joint par Europe 1, le policier a agi selon la procédure et dans le seul but de "sauver des vies". "D'abord, mon client demande au conducteur du scooter de l'approcher de la voiture en fuite, de manière à pouvoir donner l'immatriculation de la voiture sur les ondes pour permettre son identification. Lorsque mon client se rend compte que le conducteur prend tous les risques, qu'il a une conduite extrêmement dangereuse et qu'il met en péril la vie des passants, mon client se dit : 'il faut que je l'arrête parce qu'il va tuer quelqu'un'", rapporte le conseil. 

Pas un jeune homme à problème, selon ses proches. "Abasourdie et accablée", la famille du jeune homme tué, elle, veut connaître "la vérité", assure leur avocat, Maître Olivier Lambert, contacté par Europe 1. "Elle ne comprend pas pourquoi il y a eu une telle course-poursuite avec une issue aussi tragique", rapporte le conseil, qui affirme que la victime, originaire de Draveil dans l'Essonne, n'avait pas le profil d'un homme dangereux. "D'après les informations dont la famille dispose, Romain n'était pas au volant d'une voiture volée, c'était son véhicule. C'était un jeune homme qui travaillait, qui se levait extrêmement tôt pour aller à Rungis à l'ouverture du marché. C'était un garçon qui avait un problème de permis de conduire, qui a commis un certain nombre d'erreurs, c'est clair. Mais tout son casier judiciaire n'est lié qu'à des problèmes d'infractions routières. Ce n'est pas du tout un jeune en rupture ni familiale ni sociale".

L'usage de son arme, "indispensable à ce moment". Une enquête de l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) a été ouverte pour faire la lumière sur les circonstances de cette affaire. Le policier a été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer sa fonction de gardien de la paix et interdiction de détenir ou de porter une arme, conformément aux réquisitions du parquet. "Mon client était désespéré hier (mercredi, ndlr) parce qu'il avait abattu un homme. C'est très difficile à gérer quand vous avez 23 ans et que vous avez tué quelqu'un sans le vouloir", rapporte Me Laurent-Franck Liénard. "Ce policier a décidé d'ouvrir le feu sur ce fuyard parce que c'était indispensable à ce moment-là pour sauver des vies, et il se retrouve mis en examen et interdit d'exercer sa fonction. C'est-à-dire que demain matin, il ne paie plus son loyer et il ne mange plus", s'alarme-t-il.

Selon le code de la sécurité intérieure, les policiers peuvent tirer "en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée" notamment "lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules (…) dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui".