Carlton : une affaire "étouffée" ?

Me Frank Berton, avocat du directeur de l'hôtel Carlton Francis Henrion, a dénoncé "une atteinte à l'indépendance de la justice".
Me Frank Berton, avocat du directeur de l'hôtel Carlton Francis Henrion, a dénoncé "une atteinte à l'indépendance de la justice". © Maxppp
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avec Lionel Gougelot et agences , modifié à
La défense de l'hôtel de Lille critique la demande de dessaisissement formulée par le parquet.

Les deux juges lillois chargés d’enquêter sur l’affaire de proxénétisme liée à l'hôtel Carlton pourraient être dessaisis du dossier. Le parquet général de Douai a en tout cas adressé mardi une requête en ce sens à la chambre criminelle de la cour de Cassation. Et ce, sur demande du procureur de la République de Lille, Frédéric Fèvre.

Le procureur général de Douai "a jugé que l'impartialité et la sérénité de la justice étaient susceptibles d'être mises en cause" du fait de l'implication présumée dans ce dossier d'un avocat lillois et d'un haut responsable policier du Nord, le commissaire Jean-Christophe Lagarde. Des explications qui ne tiennent pas selon la défense.

"Volonté d'étouffer le dossier"

"Personne n'est dupe. On sait depuis de nombreux mois que ceux qui aujourd'hui serviraient de prétexte à la délocalisation de ce dossier sont mis en cause dans des écoutes téléphoniques et dans des surveillance", a rétorqué mercredi sur Europe 1 Frank Berton, l'avocat du directeur de l'hôtel Carlton Francis Henrion mis en examen pour "proxénétisme aggravé en bande organisée". "Ce fonctionnaire de police et l'avocat ont la possibilité de demander un dépaysement. Ils ne l'ont pas demandé. C'est le procureur qui l'a fait à leur place (...). La volonté des magistrats est allée au cœur de cette affaire", a ajouté l'avocat qui voit dans cette demande de dessaisissement une "volonté d'étouffer le dossier".

Frank Berton dénonce "une atteinte à l'indépendance de la justice" :

C'est "une atteinte à l'indépendance de la justice, parce que ces juges sont trop curieux et qu'ils vont trop loin", a-t-il conclu.

"Je ne sais pas ce qu'on y gagne"

Et si depuis l'ouverture de l'instruction en février dernier et malgré le caractère très sensible du dossier, les deux magistrats semblent avoir travaillé en parfaite indépendance, les implications politiques et la mise en cause de Dominique Strauss-Kahn ne sont peut-être pas étrangères à cette décision, a estimé sur Europe 1 Eric Dupont-Moretti, l'avocat de David Roquet, un entrepreneur mis en examen pour "proxénétisme aggravé en bande organisée". "Franchement, je ne sais pas ce qu'on y gagne. Si c'est le nom du politique qui inquiète le procureur, ce nom là va rester dans le dossier, qu'il devienne parisien, bordelais ou lyonnais...(...). S'il y a des raisons de suspecter l'impartialité des juges, il faut le dire et les récuser. Mais surtout, pourquoi découvre-t-on cela maintenant ?", s'est interrogé l'avocat.

La chambre criminelle de la cour de Cassation a désormais huit jours pour se prononcer sur le dessaisissement des juges lillois. Si tel était le cas, des milliers de pages, de dépositions et d'écoutes téléphoniques devraient alors être épluchés par de nouveaux magistrats. Cela prendrait alors des mois, pendant lesquels l'affaire du Carlton serait mise en suspens.

Au total, huit personnes ont été mises en examen dans cette affaire de proxénétisme, dont propriétaire et des responsables de l'hôtel Carlton de Lille, mais aussi des entrepreneurs du Nord. Le nom de Dominique Strauss-Kahn est cité par de nombreux protagonistes pour des parties fines.