Attentats de Paris : les ceintures très artisanales des kamikazes

Une ceinture d'explosif retrouvée à N'Djamena en juin.
Une ceinture d'explosif retrouvée à N'Djamena en juin. © BRAHIM ADJI / AFP
  • Copié
Des documents de l’enquête, auxquels Libération a eu accès, apportent des précisions sur les dispositifs utilisés par les kamikazes.

C’est l’effet de contraste des attentats du 13 novembre. Les ceintures d’explosifs des terroristes ont fait une victime. Et 129 personnes sont mortes sous les balles de leurs kalachnikovs. Des documents de l’enquête, auxquels Libération a eu accès, apportent des précisions sur les dispositifs utilisés par les kamikazes. Si la conception nécessite un véritable savoir-faire, l’achat des matériaux permettant d’élaborer les gilets est d’une simplicité enfantine.

Quels sont les composants de ces ceintures ? Les gilets piégés des kamikazes des attentats, tous identiques, étaient composés de TATP (péroxyde d'acétone, un explosif artisanal facile à fabriquer mais très instable). Un explosif artisanal fabriqué à partir de peroxyde d’acétone, d’eau oxygéné et d’acide sulfurique, notamment présent dans les produits pour déboucher les canalisations. Trois produits vendus en grandes surfaces.

Selon les premières analyses, chaque ceinture comprenait 1,5 kg de TATP, rapporte Libération. Cette poudre blanche cristalline était enveloppée dans des bandes de chatterton noir, permettant de contenir la poudre et d’isoler les fils électriques. Certaines ceintures comportaient également des boulons, projetés au moment de l’explosion, dans l’optique de faire un maximum de dégâts. Un bouton-poussoir, relié à une pile alcaline de 9 volts et des fils électriques, permettait de créer une petite flamme. Pour actionner le dispositif de la ceinture d’explosifs.

Sont-elles faciles à fabriquer ? Il existe des tutoriels sur Internet pour apprendre à confectionner des bombes artisanales. "Il suffit de taper peroxyde d’acétone sur YouTube pour trouver tout un tas de recettes de fabrication", assure Agnès, ingénieure principale de la section incendie-explosion de l’Institut national de police scientifique (INPS), contactée par Libération. Et l’Etat islamique a élaboré un manuel de fabrication qu’il distribue à ses membres.

Pour autant, la confection de ceinture d’explosifs nécessite savoir-faire et précision. "Qui dit gilet explosifs dit artificier : fabriquer un système explosif fiable et efficace n'est pas à la portée de n'importe qui", expliquait, sous couvert d'anonymat, un ancien chef d'un service français de renseignement, au lendemain des attentats du 13 novembre.

La confection de gilet d’explosifs revient donc à un artificier - qui ne figure jamais parmi les kamikazes, son savoir-faire étant trop précieux. Les artificiers ont une connaissance fine des dosages, principale difficulté dans la conception, puisque cela se joue au gramme près. Le TAPT est un explosif particulièrement instable, qui peut exploser au visage de l’artificier, au moindre mouvement trop brusque. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit pour l’un des kamikazes du Stade de France, selon une source policière, citée par Libération. Enfin, le TATP vieillit mal. La ceinture d’explosifs doit donc être confectionnée au plus tard une semaine avant son déclenchement.

Cet explosif est-il souvent utilisé ? Cet explosif est fréquemment utilisé par les terroristes, notamment parce qu’il est facile de se procurer ses composants, contrairement au TNT. On retrouve cet explosif dans les plastiquages en Corse. Il a également été utilisé par les kamikazes des attentats du 7 juillet 2005 à Londres, ou encore par les terroristes responsables de l’attentat du café Argana à Marrakech le 28 avril 2011. Ce même explosif a été retrouvé lors de l’attentat du marathon de Boston, le 15 avril 2013, par frères Tsarnaev, rappelle 20 Minutes. Le 17 février 2014, les policiers enquêtant sur la filière djihadiste de "Cannes-Torcy" avaient découvert près de 900 grammes de TATP dans un immeuble de Mandelieu-La-Napoule, dans les Alpes-Maritimes, près de Cannes.