Attentat déjoué : Ismaël, Djebril et Antoine voulaient "frapper en France"

Le site du sémaphore de la Marine nationale de Bear à Port-Vendres, dans les Pyrénées-Orientales.
Le site du sémaphore de la Marine nationale de Bear à Port-Vendres, dans les Pyrénées-Orientales. © AFP
  • Copié
et Alain Acco , modifié à
Les trois suspects qui projetaient un attentat contre une base militaire des Pyrénées-Atlantiques, ont été déférés vendredi à l'issue de leur garde à vue. Le parquet a requis leur placement en détention. 

Ils voulaient frapper en France au nom de l'organisation Etat islamique puis prendre la fuite en Syrie. On en sait plus vendredi sur le projet d'Ismaël, Djebril et Antoine, les trois jeunes français soupçonnés d'avoir projeté l'attaque d'une installation de la Marine nationale dans les Pyrénées-Orientales et la décapitation d'un officier au nom du djihad. Le trio devait être présenté à un juge vendredi au terme de leur garde à vue. Qu'ont-ils livré aux enquêteurs pendant leurs auditions ? Europe 1 fait le point sur l'enquête.

Un trio terroriste constitué en ligne. Ismaël, 17 ans, est originaire du Nord, près de Maubeuge. Antoine, 19 ans, converti à l'islam depuis deux ans, réside près de Versailles. Djebril, 23 ans, Marseillais, est réformé de la Marine nationale pour "troubles d'adaptions au métier de militaire". Tous trois se sont connus sur les réseaux sociaux et  les forums de la djihadosphère. Interpellés lundi dans leurs régions respectives, ils se sont tous réclamés de l'organisation Etat islamique (EI) et ont revendiqué leur engagement djihadiste devant les enquêteurs de la Direction générale du renseignement intérieur (DGSI).

Ensemble, le trio avait noué un pacte terroriste : celui de rallier la Syrie et les rangs de Daesh. Et pour échapper à la surveillance des services de renseignement, les trois jeunes hommes communiquaient entre eux via des applications et logiciels cryptés. Car le trio se savait dans le viseur, notamment celui qui est présenté comme l'instigateur de leur entreprise : Ismaël.

 

Les trois suspects ont été mis en examen

>> Mise à jour : Dans la nuit de vendredi à samedi, les trois suspects âgés de 17 à 23 ans, ont été mis en examen et placés en détention provisoire après avoir été déférés vendredi, devant un juge d'instruction. Ce dernier les a mis en examen du chef d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. 

Ismaël et son contact syrien : l'idée de "frapper en France". Les projets syriens du trio sont mis à mal en octobre 2014. Ismaël est convoqué par la DGSI pour un entretien administratif, suite à un signalement de sa mère aux autorités quant à ses velléités de départ pour la Syrie. C'est aussi à la demande de cette dernière que le jeune homme est frappé en novembre dernier par une interdiction de sortie du territoire. Les trois apprentis djihadistes changent alors leurs plans : ils décident de frapper en France.

Les analyses du matériel informatique et des téléphones des suspects saisis lors des perquisitions ont permis de mettre au jour toute la documentation nécessaire au parfait apprenti terroriste : des "modes d'emploi" pour fabriquer des engins explosifs ainsi que de la propagande de l'EI, les habituelles vidéos sanglantes et même un "guide de bonne conduite" du djihadiste sur le maniement des armes. Mais surtout, les enquêteurs ont découvert les liens qu'entretenaient Ismaël avec un djihadiste de l'EI qui se trouve actuellement en Syrie. C'est ce dernier qui, quand l'interdiction du territoire est tombée, lui aurait dit de "frapper sur place en France", selon les propres déclarations d'Ismaël en garde à vue.

La mise en oeuvre du plan. Dès lors, le trio échafaude son plan, toujours via messagerie crypté. Au cours de ces conversations Djebril suggère d'attaquer une cible militaire qu'il connait particulièrement bien pour y avoir été affecté par le passé : le site du sémaphore de Bear, à Port-Vendres, dans les Pyrénées-Orientales. Selon ses déclarations en garde à vue, Antoine le nordiste et Djebril le Marseillais se rencontrent même "en vrai", en janvier dernier pour évoquer leur projet.

Le plan consiste à tuer les militaires en faction puis décapiter le gradé responsable du site en filmant l'ensemble de la scène avant de prendre la fuite en Syrie. Djebril, le seul qui réfute la volonté de décapitation, a expliqué toutefois aux enquêteurs que l'attaque est programmée pour "fin décembre-début janvier", période à laquelle le site est moins surveillé. Chez lui, les enquêteurs ont découvert du "matériel para-militaire" ainsi que deux caméras dont une neuve, encore dans son emballage, mais pas de Go-pro comme cela a pu être annoncé. Aucune arme ni silencieux n'ont été retrouvés. Mais selon les informations d'Europe 1, le trio projetait de se procurer un pistolet Colt 1911 et éventuellement une Kalachnikov. 

Aucune condamnation et une radicalisation 2.0. Ismael, Djebril et Antoine, ont tous un niveau d'étude équivalent au bac et ne comptaient aucune condamnation à leur actif. Tous trois semblent s'être radicalisés via Internet et notamment en visionnant les vidéos de propagande ultraviolentes de l'EI. Les trois hommes inscrivent leur action dans la lignée de Mohamed Merah et des évènements de janvier dernier, même si le choix de frapper en janvier 2016 ne semblait pas s'inscrire dans une logique d'attentat "anniversaire".

Tous trois devraient être mis en examen à l'issue de leur audition devant le juge. Le parquet de Paris a ouvert de son côté une information judiciaire pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme et requis leur placement en détention provisoire.