Attentats : pourquoi l’enfant de 8 ans s’est retrouvé devant la police

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avec Jacques Thérence , modifié à
Un garçon de huit ans a été entendu mercredi après-midi par la police. Il aurait tenu des propos solidaires envers les auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo.

Comment un enfant de 8 ans a-t-il pu se retrouver devant les policiers pour apologie de terrorisme ? La question se pose depuis l’audition d'un jeune garçon mercredi à Nice. Ce dernier a en effet été convoqué au commissariat à la suite de propos tenus en classe, dans lesquels il soutenait l’action des terroristes de la tuerie contre Charlie Hebdo. Alors qu’une simple médiation était possible, les enquêteurs expliquent à Europe 1 leur choix d’auditionner l’enfant et reconnaissent qu’une telle procédure n’était pas forcément nécessaire.

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ACTE I - "Je suis du camp des terroristes". Pour le jeune garçon de 8 ans, les ennuis commencent le 8 janvier, à l’occasion de la minute de silence organisée dans les établissements scolaires, au lendemain de la tuerie contre Charlie Hebdo. Plutôt que de respecter la minute de silence, le garçonnet lâche : "je suis du camp des terroristes". Il a d’ailleurs reconnu avoir tenu de tels propos devant les enquêteurs qui l’ont auditionné.

Mais selon le personnel de l’établissement scolaire, le garçon aurait également déclaré : "Il faut tuer les Français", "les musulmans ont bien fait", ou encore "les journalistes méritaient leur sort", détaille Fabienne Lewandowski, directrice adjointe de la sécurité publique de Nice, interrogée par Europe 1.

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ACTE II - Une plainte contre le père, une convocation pour l’élève. A la suite de ces propos, l’enseignant de l’élève scolarisé en CM2 décide d’avertir le directeur. L’établissement convoque alors les parents de l’enfant. C’est finalement le père qui honore le rendez-vous. Et selon la direction de l’école, ce dernier, n’appréciant pas les remarques sur son fils, se serait montré nerveux et menaçant.

Pour prendre la défense de son fils, le père de famille serait même allé jusqu’à s’introduire à trois reprises dans l’établissement scolaire. Selon lui, son fils est en effet victime de persécution depuis les événements survenus le 8 janvier, si bien qu’il se réfugie dans les toilettes à chaque récréation. Pour ces faits, le directeur de l’école décide de porter plainte pour «intrusion » contre le père de famille. Dans le même temps, il signale le comportement de l’enfant, le jour la fameuse minute de silence.

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ACTE III – Une médiation préférable. Les policiers du commissariat de Nice envoient alors une convocation au père, à la fois pour la plainte pour intrusion, mais aussi pour les propos de son fils. Durant son audition d’une trentaine de minutes aux côtés de son père, le jeune garçon reconnaît avoir "soutenu" les terroristes, mais ne semble toutefois pas bien saisir la signification de ce terme.

"Visiblement, l'enfant ne comprend pas ce qu'il a dit. On ne sait pas où il est allé chercher ses propos", a poursuivi le commissaire Marcel Authier. "Il ne comprend même pas ce que veut dire le mot terroriste. Il est préférable qu'il y ait un travail de pédagogie, plutôt que de le convoquer devant les services de police", estime Me Sefen Guez Guez, l’avocat du mineur et de ses parents au micro d'Europe 1.

Au terme de l’audition, la police a reconnu que la procédure n’était pas forcément justifiée, mais que la décision de convoquer l’enfant avait été prise dans un contexte particulier. Quelques jours après les attentats contre Charlie Hebdo, François Hollande avait notamment déclaré : "nous devons être intraitables devant l'apologie du terrorisme et ceux qui s'y livrent". Le ministère de l’Education avait par ailleurs recensé les perturbations survenues lors de la minute de silence. Les propos des élèves devant être   consignés par écrit par les enseignants ou les surveillants et transmis au chef de l’établissement, puis au rectorat. Les rectorats étaient ensuite l'obligation de prévenir la police et le parquet. C’est cette même procédure qui explique aujourd’hui la convocation du jeune garçon de 8 ans devant les policiers.

La ministre de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, a d'ailleurs pris la défense jeudi de l'école. "Non seulement cette équipe a bien fait de se comporter ainsi, mais son travail de suivi, et pédagogique et social, est une œuvre utile", a-t-elle déclaré depuis la cour de l'Élysée.

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Mais de leur côté, les policiers reconnaissent désormais qu’au regard des déclarations de l’enfant, une médiation aurait été préférable. Les agents de médiation sont rattachés aux services de la police nationale. Leur rôle et de résoudre une situation conflictuelle en mettant en relation les personnes à l’origine du conflit, avant que le litige ne donne lieu à une plainte ou une action en justice. Dans le cas du garçonnet, le parquet de Nice doit décider très prochainement d’engager des poursuites ou non.

ACTE IV – Les parents contre-attaque. De leur côté, les parents ont décidé de réagir en portant plainte contre l’établissement. "La famille va déposer plainte contre l'administration de l'école pour les sévices qu'aurait subi l’élève et qu'il décrit depuis le 9 janvier", annonce Me Sefen Guez Guez. L’enfant a en effet raconté qu’alors qu’il jouait dans le bac à sable, le directeur lui aurait dit "arrête de creuser dans le sable, tu ne trouveras pas de mitraillette pour tous nous tuer". L’élève, qui se dit également persécuté par ses camarades de classe, vivrait particulièrement mal les événements.