Affaire Tandia : l'enquête s'enlise

Dans la nuit du 5 au 6 décembre 2004, Abou Bakari Tandia était tombé dans le coma lors d’une garde à vue à Courbevoie. Il avait succombé trois mois plus tard.
Dans la nuit du 5 au 6 décembre 2004, Abou Bakari Tandia était tombé dans le coma lors d’une garde à vue à Courbevoie. Il avait succombé trois mois plus tard. © DR
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Frédéric Frangeul et Guillaume Biet , modifié à
Le Malien est mort après une garde à vue en 2004. Une énième expertise a été ordonnée.

C’est une affaire vieille de sept ans. Dans la nuit du 5 au 6 décembre 2004, Abou Bakari Tandia était tombé dans le coma lors d’une garde à vue à Courbevoie. Le sans-papier de 38 ans s’était, selon la police, volontairement cogné la tête contre la porte de sa cellule. Il avait succombé à ses blessures un mois et demi plus tard.
 
 La  magistrate en charge du dossier, la quatrième depuis 2004, a demandé le 12 décembre dernier une nouvelle expertise médico-légale faire la lumière sur les causes exactes de ce décès. Une décision jugée "incompréhensible" par l’avocat des proches d’Abou Bakari Tandia qui craint l’enlisement de l’affaire pour masquer une bavure policière.

D'autant que cinq expertises médico-légales ont déjà été pratiquées. La dernière a conclu le 15 juin dernier à un décès causé "par une privation d’oxygène due à des contentions répétées", infirmant ainsi la thèse soutenue par les policiers.

"La famille est écoeurée"

"Nous estimons que cette sixième expertise ne servira qu'à une chose, pourrir un dossier", a confié Me Yasmine Bouzrou à Europe 1. "La famille est écoeurée et ne croit plus en la justice et les parties civiles que je représente estiment que dans ce type de dossier on ne peut pas obtenir la vérité", déplore l'avocat.

Preuve de son agacement, Me Yasmine Bouzrou a saisi la cour de Cassation d’une requête de déssaisissement pour "suspicion légitime" le 22 décembre dernier. L’avocat des proches de Tandia demande que l’affaire soit retirée du tribunal de Nanterre pour être traitée par une autre juridiction. Avec un objectif : la tenue d'un procès pour cette affaire classée en novembre dernier par Amnesty International comme emblématique des bavures policières.

Les atermoiements de la justice

La demande Me Bouzrou est motivée par les tergiversations des magistrats dans cette affaire. Et la nouvelle expertise médico-légale ordonnée repousse encore la décision quant à l'éventuelle mise en examen du principal policier impliqué dans cette affaire, alors que le parquet avait délivré en juillet dernier un réquisitoire pour "homicide involontaire".

A l'heure actuelle, les policiers sont entendus comme témoins assistés.

De nombreuses zones d’ombres

La patience des proches d’Abou Bakari Tandia a déjà été soumise à rude épreuve notamment avec des délais très longs dans la conduite de cette affaire. Ainsi, le dossier médical de la victime décédée à l’hôpital est resté introuvable durant quatre ans, avant de ressurgir subitement en 2008. Idem pour le rapport d’un radiologue.  

Autre point non éclairci, la panne subie par les caméras de surveillance du commissariat de Colombes au moment des faits. Cet incident technique n’a jamais pu être démontré.

Reste désormais à connaître les résultats de la nouvelle expertise ordonnée. Ils doivent être, en théorie, livrés fin février.