Affaire Grégory : pourquoi Murielle Bolle est mise en examen maintenant

Murielle Bolle, pièce clef de cet intrigant puzzle familial, a été interpellée mercredi à son domicile.
Murielle Bolle, pièce clef de cet intrigant puzzle familial, a été interpellée mercredi à son domicile. © PATRICK HERTZOG / AFP
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T.M.
Au terme de sa garde à vue jeudi, Murielle Bolle a été mise en examen pour enlèvement et placée en détention provisoire. La justice est convaincue qu'elle disait vrai, en 1984, avant de se rétracter.

Elle est un témoin-clé dans l'enquête sur la mort de Grégory Villemin en 1984. Murielle Bolle, 15 ans au moment des faits, a été mise en examen jeudi soir pour enlèvement suivi de mort, avant d'être placée en détention provisoire. Les enquêteurs sont désormais convaincus qu'elle disait vrai il y a trois décennies lorsqu'elle avait impliqué son beau-frère, avant de se rétracter quelques jours plus tard.

La rétractation de Murielle Bolle au cœur de l'enquête. À l'époque, Murielle Bolle avait déjà été interrogée par les gendarmes. Face à eux, elle avait raconté que son beau-frère Bernard Laroche était venue la chercher en voiture à la sortie du collège, avant d'aller récupérer Grégory chez ses parents et de déposer le petit garçon chez un ami de la famille, pensait-elle. Une version qu'elle avait répétée devant les juges et qui avait conduit à l'inculpation de Bernard Laroche… avant que l'adolescente ne se rétracte, après une nuit en famille, justifiant ses aveux par les menaces qu'auraient exercées sur elle les gendarmes.

Un nouveau témoignage évoquant des pressions. Or, un témoignage, corroboré par "d'autres renseignements" émanant de "personnes du voisinage", tendrait à faire apparaître que cette nuit-là, la jeune femme "a subi des pressions, voire des actes de violence de la part de son entourage", a expliqué le procureur général de Dijon, Jean-Jacques Bosc. Ce témoignage, "très précis", émane d'un lointain cousin et aurait été motivé par "la médiatisation de l’affaire", selon le procureur. Ce parent de Murielle Bolle s'est présenté spontanément aux gendarmes il y a quinze jours, pile au moment de la garde à vue des époux Jacob, grand-tante et grand-oncle de Grégory, soupçonnés d'avoir séquestré puis tué le petit garçon.

"On est dans l'irrationnel", déplore son avocat. "On n'est pas dans un dossier dans lequel les progrès de la police scientifique auraient permis d'avancer de façon importante dans la voie de la vérité. On est dans un dossier qui, chaque fois qu'on le réveille, suscite chez les dingues et les psychopathes un certain nombre de déclarations qui, bien entendu, font des ravages", déplore au micro d'Europe 1 Me Jean-Paul Teissonnière, l'avocat de Murielle Bolle, ajoutant : "On est dans l'irrationnel".

"Je suis frappé par la concordance du réveil d'un certain nombre de gens qui se prétendent aujourd'hui des témoins, qui n'ont rien dit pendant 32 ans, et quand les informations circulent sur les Jacob, se mettent à découvrir des choses absolument inouïes. Il y a un mécanisme à l'intérieur de ce dossier qui est terriblement pathogène", regrette-t-il encore. L'avocat de Murielle Bolle reconnait néanmoins que les déclarations lacunaires de sa cliente, qui affirme souvent ne pas se souvenir, n'aident pas à y voir plus clair.

Analyses ADN. De nouveaux prélèvements de l'ADN de Murielle Bolle ont également été réalisés au cours de sa garde à vue. Objectif : déterminer si le mot "C'est bien Bernard L. qui a tué Grégory, j'étais avec lui", signé de son nom et découvert fin mai sur un registre ouvert au public dans l'église de Lépanges-sur-Vologne, a bien été écrit de sa main. Mais "les mélanges ADN retrouvés ne permettent pas d'identifier précisément un individu", note le parquet. Les investigations se poursuivent donc.

Quelle suite pour Murielle Bolle ? Une audience sur son maintien ou non en détention aura lieu mardi devant la chambre de l'instruction, comme ce fût le cas pour Jacqueline et Marcel Jacob, remis en liberté, sous contrôle judiciaire, le 20 juin dernier. De son côté, le procureur promet de nouvelles auditions, et il est fort probable que des confrontations aient bientôt lieu. L'avocat de Murielle Bolle, lui, prévoit déjà de plaider longtemps. "Il faut qu'on ait le temps de démonter le canevas de ragots et de mensonges qui constitue l'essentiel de l'accusation", a-t-il déclaré jeudi soir.

Non-lieu en 1988. Dans le passé, Murielle Bolle avait déjà été visée par une plainte des parents de Grégory, entre autres pour complicité d'assassinat. Mais l'information judiciaire s'était soldée par un non-lieu en 1988. Les enquêteurs avaient notamment exploré une piste selon laquelle l'adolescente aurait pu prendre une part active à l'enlèvement de Grégory en lui injectant une dose d'insuline pour plonger l'enfant dans le coma. Un flacon et une seringue avaient été retrouvés au bord de la Vologne. Mais l'éventualité d'une "intention criminelle" de l'adolescente avait été écartée une nouvelle fois par la cour d'appel de Dijon en 1993, dans l'arrêt innocentant Christine Villemin, la mère de l'enfant.