Affaire Grégory : ces questions qui se posent après l’interpellation de Murielle Bolle

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Anaïs Huet , modifié à
La présentation de Murielle Bolle à un juge d'instruction pourrait conduire à sa mise en examen, notamment pour complicité d'assassinat du petit Grégory. A-t-elle tout dit dans cette affaire ?

Au lendemain de son interpellation, Murielle Bolle va être présentée à une juge d'instruction, qui décidera ou non de la mettre en examen. Plus de 32 ans après les faits, c'est un véritable tournant dans cette affaire Grégory, dont le mystère demeure, encore et toujours. Aujourd'hui, de nombreuses questions entourent la belle-sœur de Bernard Laroche.

 

Murielle Bolle avait-elle identifié Grégory dans la voiture ?

C'est l'un des éléments troublants du premier témoignage de Murielle Bolle. Le 2 novembre 1984, l'adolescente de 15 ans raconte aux gendarmes que le jour de la mort de Grégory, son beau-frère Bernard Laroche est venu la chercher en voiture au collège, puis a récupéré un garçon qu'elle ne connaissait pas à Lépanges-sur-Vologne. Devant les enquêteurs, elle explique : "Moi et Sébastien (le jeune fils de Bernard et Marie-Ange Laroche, et neveu de Murielle Bolle, ndlr) sommes restés dans la voiture. Bernard a quitté la voiture sans donner aucune explication. Quand il est revenu, il était accompagné d’un petit garçon, du même âge que Sébastien, que je ne connaissais pas (…) Il l'a fait monter dans la voiture (…) Nous nous sommes encore arrêtés à Lépanges, cela a été bref (…) Nous avons roulé pendant cinq minutes. Arrivé dans ce village, Bernard est descendu avec le petit. Je n'ai pas quitté le véhicule. Je ne peux vous préciser le temps qu'il s'est absenté. Une chose est sûre, Bernard est revenu seul".

Au fur et à mesure des auditions, Murielle Bolle précise sa description. Elle indique notamment que le petit garçon "portait un bonnet". Selon les gendarmes de la Section de recherches de Dijon, qui ont repris tous les procès-verbaux initiaux de 1984-1985, "Murielle fournit des déclarations fluctuantes avec des informations imprécises et variables". 

La collégienne avait déjà rencontré Grégory, trois mois avant son assassinat, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle se souvenait de ce à quoi il ressemblait. Or, dans sa déclaration de 2 novembre 1984, Murielle Bolle avance : "J'ai pensé qu'il l'emmenait chez un ami de Jean-Marie. L'ami en question, je ne le connais pas". Mais pourquoi Murielle Bolle a-t-elle fait spontanément ce lien avec Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, si elle ignorait qui était le petit garçon assis à l'arrière de la voiture de Bernard Laroche ? C'est notamment sur ce point que les enquêteurs se sont arrêtés, en reprenant le dossier en 2017.

À qui appartiennent les traces ADN retrouvées sur le registre de l'église ?

"C'est bien Bernard L. qui a tué Grégory, j'étais avec lui". Signé : "Murielle Bolle. 13 mai 2008". Mercredi, L'Est républicain a révélé que cet étrange message avait été découvert, fin mai, sur un registre ouvert au public dans l'église de Lépanges-sur-Vologne, par une professeure de catéchisme. Cette dernière croit d'abord à un canular, mais montre quand même l'inscription à l'ancien maire du village. Le lendemain, celui-ci apporte le cahier aux gendarmes, qui effectuent des analyses génétiques. Six ADN différents sont détectés… Dont celui de Murielle Bolle, prélevé une première fois en 2009. 

Les gendarmes sont-ils face à un nouveau rebondissement ? Loin de là. Le 14 juin, l'ADN de Murielle Bolle est à nouveau prélevé et comparé à celui retrouvé sur la page du registre. Mais cette fois, ça ne matche plus. Le premier test est démenti. La piste est vraisemblablement abandonnée. Mais que faut-il donc penser de ces différences entre les analyses génétiques réalisées à très peu de temps d'intervalle ?

Dans la foulée, mercredi, Le Figaro révèle que parmi les six ADN identifiés figure celui d'un magistrat du siège, prélevé dans les années 2000, lorsqu'une grande série d'expertises génétiques avaient été opérées. Fait troublant ou plaisanterie de mauvais goût ? "J'ose espérer que c'est une erreur car si, par extraordinaire, un magistrat s'était fourvoyé à un canular, je crois que cela décrédibiliserait définitivement toute action judiciaire dans cette affaire", a déclaré mercredi Me Stéphane Giuranna, l'avocat de Marcel Jacob mis en examen il y a quinze jours. Le conseil a indiqué vouloir "demander à ce que toute la lumière soit faite sur l'éventuelle implication de ce juge", et s'"étonne qu'il ne soit pas placé en garde à vue".

De quoi se souvient Murielle Bolle, 32 ans après les faits ?

Il s'est passé plus de trois décennies entre le premier témoignage de Murielle Bolle, mettant en accusation son beau-frère, et aujourd'hui. Entre temps, la collégienne de 15 ans avait effectué un retentissant rétropédalage, assurant de l'innocence de Bernard Laroche et du coup de pression qu'elle aurait subi de la part des gendarmes. Depuis, Murielle Bolle s'était tenue très à l'écart de la scène médiatique. Mais pour les enquêteurs, c'est sans doute elle qui détient la clé de l'énigme : "qui a séquestré, tué et jeté dans la Vologne Grégory ?".

Plus de 32 ans après, sa garde à vue, commencée en novembre 1986, s'est poursuivie pour quelques heures. Des heures pendant lesquelles Murielle Bolle ne s'est exprimée que par "des phrases très courtes". Et si, à désormais 48 ans, elle ne déroge pas à sa seconde version des faits, elle semble pourtant avoir oublié un certain nombre d'éléments. "Souvent elle dit qu'elle ne se souvient pas, il y a des problèmes de mémoire", a glissé son avocat, Me Teissonnière, jeudi matin.