McDonald's, Tati...ces entreprises qui proposent des diplômes

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EMPLOI - Les entreprises n’hésitent plus à proposer des formations certifiantes à leurs employés. Mais à quoi cela sert-il ?

Le 7 avril dernier, Tati a décidé de marquer les esprits : l’enseigne a tout simplement annoncé qu’elle lançait "un vaste plan de formation certifiant" pour l’intégralité de ses employés. En clair, ses 1.500 employés, mais aussi ses 340 cadres, vont suivre des heures de cours et pourront obtenir à la fin un diplôme reconnu par l’Etat. Une stratégie également suivie par McDonald's ou encore L’Oréal, la SNCF, Carrefour, etc. Mais à quoi ressemblent ces formations ? Et, surtout, que valent-elles ?

Formation certifiante, diplômante : de quoi s’agit-il ? Les formules sont nombreuses mais le principe de base reste le même : il s’agit d’une formation financée et proposée par une entreprises à ses employés. Les salariés peuvent alors suivre des cours et des ateliers pour acquérir de nouvelles compétences ou faire reconnaitre celles dont ils disposent déjà.

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Dans le détail, les formations diplômantes sont plus généralistes et délivrées par des établissements reconnus par l’Etat. Elles permettent de décrocher un diplôme correspondant à un brevet des collèges, à un CAP, à un baccalauréat, etc. Les formations qualifiantes et certifiantes sont, elles, élaborées en fonction des besoins de l’entreprise et débouchent sur un certificat d’aptitude dans le premier cas, sur un certificat de qualification dans l’autre cas. Les deux peuvent être reconnus par les branches professionnelles, voire même par l’Etat si certains critères sont respectés (plus de détails ici).

Chez Tati, cette formation prend la forme d’un "parcours de 196 heures pour les employés de commerce de magasin, pour les former à l’accueil client, au merchandising et à la gestion. C’est quatre fois deux jours en présence dans un centre de formation, puis du e-learning sur des ordinateurs installés dans les magasins avec des plate-formes collaboratives", précise Nadège Plou, directrice des Ressources Humaines. Avec, à la clef, un titre de niveau V, équivalent à un CAP. Les managers peuvent, eux, décrocher l’équivalent d’un Bac +1 ou Bac +2. 

Les entreprises communiquent de plus en plus dessus. Publicité de McDonald’s vantant la formation proposée à ses employés, Tati qui renchérit en faisant de même mais avec tous ses employés, PMU et Total qui misent sur les formations aux nouvelles technologies, etc. : de prime abord, on assiste à une ruée sur les formations depuis quelques années.

Il n’en est pourtant rien. Du côté du ministère du Travail, on assure que le nombre de formations est stable : "c’est quelque chose qui est vivant : il y a des certifications qui disparaissent, elles doivent être renouvelées tous les 5 ans, et de nouvelles demandes. Les certifications sont à l’image de l’évolution du marché du travail." Le ministère comptabilise "à peu près 10.000 certifications enregistrées aujourd’hui au répertoire national de la certification professionnelle mais ce ne sont pas toutes des certifications d’entreprise". Et certaines entreprises proposant une formation à leurs employés ne demandent pas la reconnaissance de l’Etat, rendant un peu plus compliqué leur comptage. Ce qui est en revanche sûr, c’est que les entreprises n’hésitent plus à vanter ce genre d’initiative, y compris auprès d’un grand public pourtant pas toujours concerné.

L’exemple le plus frappant reste cette publicité de McDonald’s de 2008, qui insiste sur le fait que la chaine de restauration rapide permet à ses employés de se former et d’évoluer :

Pourquoi les entreprises misent-elles sur ces formations ? Dans le cas de McDonald’s, il s’agit de casser l’image low cost du groupe de restauration auprès du grand public. Mais aussi de séduire de futurs employés car l’entreprise connait un important turn-over et peine à fidéliser ses employés. Mais le bénéfice pour les entreprises est loin de se limiter à la seule image de marque.

Chez Tati, le vaste plan de formation a déjà de nombreuses vertus : "la motivation de nos collaborateurs est décuplée parce que leur niveau de compétence a été amélioré et est reconnu par le biais de la certification", assure Nadège Plou, d’autant que "chez nous, les collaborateurs ont souvent arrêté les études assez tôt et sont rentrés dans l’entreprise avant d’y faire carrière, donc nombre de nos responsables de magasin n’ont pas le bac, ont un niveau CAP". Sans oublier que "cela nous permet aussi d’identifier les pépites : il y a des gens qui se révèlent lors de ces formations" et peuvent être amenés à devenir chef d’équipe.

Bref, Tati y trouve son compte, d’autant que ce plan de formation intervient à un moment opportun : l’enseigne a décidé de faire évoluer son offre et de la dépoussiérer, un changement de paradigme qui est mieux piloté grâce à ces formations. De toute façon, les entreprises ont intérêt à jouer le jeu puisqu’elles y sont obligées par la loi : depuis le 7 mars 2014, l’employeur doit faire tous les deux ans des entretiens professionnels avec chacun de ses salariés et leur proposer au moins une formation tous les six ans.

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Les salariés y trouvent-ils leur compte ? Compétences des employés mises à niveau, échanges d’expériences, valorisation des employés,  repérage d’éléments prometteurs : les entreprises ont tout intérêt à miser sur la formation. Mais qu’en est-il pour les employés ?

"Quand vous êtes sur les plus bas niveaux de qualification notamment, le fait d’obtenir une certification, un diplôme, c’est quelque chose qui est toujours valorisant. Ce type de formation permet une progression des compétences, d’avoir plus de responsabilités, voire de progresser dans la grille salariale, et de se reconvertir", résume-t-on au ministère du Travail. Avant d’insister sur un point : une telle formation améliore l’employabilité. "C’est positif pour les capacités d’insertion parce que cela prouve que dans son poste précédent, on n’est pas resté les bras croisés et on a cherché à progresser", précise-t-on.

Un constat partagé par Pôle Emploi, qui insiste sur le fait qu’un "diplôme, c’est toujours un atout", chiffres à l’appui : en 2013, le taux de chômage était de 5,7% chez les titulaires d’un Bac+2, de 10,1% chez les titulaires d’un bac et de 16,8% pour ceux qui n’ont aucun diplôme. Sans oublier qu’un diplôme est statistiquement synonyme d’un emploi plus stable. Bref, un tel diplôme est toujours un atout même si le meilleur sésame pour trouver un boulot reste l’expérience.

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© PHILIPPE HUGUEN/AFP

Une formule gagnant-gagnant ? Sur les forums d’employés d’entreprise ayant déjà lancé de telles formation, l’accueil est également positif, tant individuellement que pour la vie de groupe. Sans oublier un dernier avantage, pointé par Pole Emploi : les Ressources humaines ont tendance à fixer des barres symboliques pour trier les candidatures, éliminant par exemple tous les candidats en-dessous d’un bac +2. Grâce à une équivalence Bac +2 obtenu lors d’une formation diplômante, certaines candidatures peuvent du coup être prises en compte.

Employeurs et employés ont donc tout intérêt à miser sur la formation, et c’est déjà le cas puisque les entreprises en font déjà plus que ce qui leur est demandé. "L’entreprise est libre de faire son plan de formation en fonction de ses besoins et de l’intérêt de ses salariés. L’effort de formation des entreprises en 2014, c’est un peu moins de 3% de leur masse salariale, alors que leur obligation n’est que de 1%. Les entreprises vont donc bien au-delà de l’effort légal et obligatoire en termes de formation", souligne-t-on au ministère du Travail.

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