3:38
  • Copié

Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.

Six mois après l’assassinat à Malte d’une journaliste qui dénonçait la corruption, ses confrères ont repris son enquête. Et ils dénoncent à leur tour un système qui favorise la corruption : la vente de la nationalité.

Il y a l’ordre souverain de Malte, des chevaliers en cape, comme Zorro et une histoire glorieuse qui remonte aux Croisades. Tout ce qui reste de ce royaume de Jérusalem : des traditions, des hôpitaux et des dispensaires où l’on fait du bien. A ne pas confondre avec le désordre souverain de Malte. L’ile de Malte qui tangue depuis plus d’un an dans des scandales de corruption. La république de Malte qui fait partie de l’Union européenne, c’est le plus petit des 27 Etats. A la fois dans la zone euro et dans l’espace Shengen. Est Maltais celui qui a un parent Maltais. C’est le droit du sang. Mais depuis cinq ans, il y a aussi le droit du portefeuille. Devient Maltais de papier celui qui peut se les payer. Ça coûte un peu plus d’un million d’euros.

Malte est dans l’Europe mais garde comme tout Etat, le privilège de délivrer la nationalité à qui bon lui semble.  Il fait désormais commerce de ces passeports en or. C’est là que commence le désordre souverain de Malte.

Devenir Maltais, pourquoi faire ?

Imaginons que vous soyez Russes et que vos amis du club des milliardaires passent sans transition du palais au cachot, ou même trépassent sans prévenir. Vous vous inquiétez, pourquoi pas moi ? Imaginez que vous soyez Chinois et que vous entreteniez depuis des lustres des apparatchiks gloutons, vous redoutez maintenant que ces parasites fassent les frais de la campagne anticorruption et qu’ils dénoncent jusqu’à leurs mères. Vous dormez mal. Un passeport étranger pourrait être une assurance survie. Ou alors, vous êtes Africain et vous n’en pouvez plus de perdre votre temps à réclamer des visas pour voyager dans les pays de l’Ocde. Avec votre belle nationalité toute neuve, vous pourrez circuler et vous installer n’importe où en Europe. Il y a des tas de bonnes raisons de vouloir être Maltais !

Et il y en a aussi de mauvaises.

Malte peut apparaître comme un havre dans la tempête pour des flibustiers de la finance, les pirates fiscaux, les spéculateurs sans frontières, les briseurs d’embargo. Daphné Caruana Galizia enquêtait sur cette face cachée du commerce officiel. Cette bloggeuse a été assassinée, il y a six mois. L’attentat à la voiture piégée a traumatisé le pays. Son enquête a été reprise par les confrères de l’Europe entière qui vérifient ses intuitions. Des exécutants ont été arrêtés mais les autorités sont en accusation. Et on ne voit pas comment la crise politique va se dénouer, car le Premier ministre déjà mis en cause il y a un an dans le scandale des Panama papers avait illico organisé des élections anticipées qu’il a largement remportées.

Malte n’est pas un cas isolé.

Une demi-douzaine de pays européens font ainsi le trottoir, en vendant ce que d’autres donnent avec une générosité qui tend à l’inconscience. Chypre en a déjà tiré 4 milliards et demi d’euros. Cela lui a évité le naufrage après la crise financière. Le Portugal a récolté 3,5 milliards de ces permis de résidence mais il faut attendre cinq ans pour avoir le passeport. La Hongrie solde ses visas de long séjour, les prostituées russes qui quadrillent la cote Andalouse prétendent toutes résider à Budapest. En Bulgarie, la corruption est telle qu’acheter un vrai passeport demande un certain mérite.

On dirait qu’il y a une Europe périphérique qui vend ses bijoux de famille ou qui fait carrément le ferrailleur. Face à cela, la Commission est impuissante. Elle préfère jouer les indifférentes et proposer cette semaine d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Albanie, un pays où rien n’est droit, un pays qui fuit et qui sert de base arrière à toutes les mafias.

Mais ce qui est vraiment choquant dans le cas de Malte, c’est de vendre sa nationalité aux étrangers richissimes alors que la misère du monde passe au large et se noie.