Le Kouign-Amann, un gâteau lourd pour voyager léger

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La popularité du Kouign-Amman n'a d'égale que sa fâcheuse tendance à ruiner tout effort pour garder la ligne.

TJ : Tout de suite, on part en Bretagne pour découvrir le Kouign-Amann !

"Kénavo" les amis. Mes quelques notions de breton me permettent de vous dire que "Kouign" en breton, veut dire gâteau, brioche, et "amann" = le beurre, ça vous donne une petite idée de la suite des événements et de ce petit bouton "c’est compliqué" sur lequel vient tout juste de cliquer votre estomac.

TJ : Le Kouign-Amann d’où ça vient ?

On doit cette arme de "destruction massive de régime" à un certain Yves-René Scordia, un boulanger de Douarnenez, en Bretagne toujours, qui l’aurait inventé par hasard vers 1860. A l’époque, la farine manque, ce qui est loin d’être le cas du beurre. Du coup, notre boulanger, fait avec ce qu’il a, un peu comme lorsqu'on revient de vacances, où on improvise un repas avec ce qu’il reste dans le frigo. Ça donne des mélanges pour le moins étonnant : une omelette aux avocats ou des pâtes au camembert arrosées de citron…  Lui mélange des proportions peu habituelles pour faire son gâteau : 400g de farine pour 300 grammes de beurre et 300 grammes de sucre. Autant dire que la pâte est ratée…mais il ne se laisse pas abattre et travaille le tout comme un feuilletage et à chaque tour, y ajoute ce qu’il a sous la main, c’est-à-dire du beurre et du sucre ! Il fait cuire la préparation et se rend compte que son gâteau est fondant à l’intérieur et croustillant à l'extérieur. Bref, c’est un succès immédiat pour cette grande galette que l’on sert soit dans un plat rectangulaire, soit rond ça s’appelle alors la "roue de charrette".

TJ : Et la roue va tourner pour ce qui, au départ, n’était qu’une erreur de cuisine…

Rien, pas une ligne, sur l’omelette aux avocats…en revanche, carton plein pour le Kouign-Amann. Déjà, au début du 20ème siècle, avec l’affluence des premiers touristes en Bretagne, on se met à parler de ce gâteau un peu spécial : la recette est copiée et exportée. D’abord, aux quatre coins de la Bretagne, avec des recettes légèrement différentes. On ne mange pas le même gâteau à Nantes, à Brest ou à Quimper puis c’est au tour de Paris d’avoir son propre Kouign-Amann, où la clientèle le veut un peu moins gras.

Et puis la chance de ce gâteau, c’est qu’il voyage très bien. Nos grand-mères appelaient cela un "gâteau de placard" car on a pas besoin de le mettre au frais. Souvent d’ailleurs, les bretons expatriés, vous savez, ceux qui brandissent un drapeau breton dans les tribunes lors de n’importe quel évènement à l’autre bout du monde (des jeux olympiques, un grand prix de formule 1, une manifestation…).

Et bien eux aussi, se font livrer leurs madeleines de Proust par voie postale sans encombre quand les embruns se font trop rares et qu’ils commencent à avoir le mal du pays. Aujourd’hui, on ne compte plus les pâtisseries qui font leurs propres Kouign-Amann. Il y en a même au Japon ou encore aux Etats-Unis, où d’ailleurs l’an dernier, à San Francisco, un boulanger a décrété la date du 20 Juin, comme le "Kouign-Amann day". C’est vous dire si ce loupé de cuisine a fait du chemin...