Cher Steven Spielberg, pourquoi le futur on l’imagine toujours à l’imparfait ?

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Chaque vendredi, Michaël Hirsch nous fait partager une lettre adressée à une personnalité ou une institution qui fait l'actualité.

 

À l’occasion de la sortie de son nouveau film Ready Player One, Michael Hirsch a décidé d’écrire à l’un des plus grands réalisateurs de notre époque.

Cher Steven Spielberg,

Waouh j’en ai pris plein les yeux ! Quel film fantastique !

Pour rafraîchir nos mémoires vives , "Ready Player One" se déroule en 2045 dans un futur pas cyber cyber sympa où le monde réel au bord du chaos, ne peut être sauvé que par un passage, mais alors pas sage du tout, dans un monde virtuel. Attention Port du casque obligatoire! Un casque de réalité virtuelle car c’est l’avenir de l’humanité qui se décide dans ce jeu vidéo, c’est une sorte de geektature !

Et je dois vous dire, cher Steven, que ce merveilleux film d’aventure, d’inventeur, d’avatars, qui aurait aussi pu s'intituler "il était une fois en numérique", m’a pas mal secoué. Ça doit être ça la science-friction.

D’abord parce que vous décrivez un monde où les frontières entre réel et virtuel ont complètement disparu. Et je me dis, si ça arrive vraiment, comment on va faire ? On va être obligé pour savoir si ce qui nous arrive est vrai, de se pincer toutes les deux minutes ?

Mais ça c’est pas sans conséquence ! D’abord c’est douloureux, et puis si jamais ça arrive, petit à petit l’homme va muter vers une nouvelle espèce. L’Homo Sapince, Mi-Homme Mi-Crabe. Vivant dans une société de la pincée unique, du je pince donc je suis.

Ne serait-ce que dans les rapports amoureux. Je veux dire, une fois qu’on aura connu l’amour avec un robot, (un robot c’est beau la vie pour les grands et les petits) qu’on aura passé la nuit avec machine, ou couché avec bidule… qu’on aura aussi testé le sexe virtuel et puce si affinités. Est-ce qu’on aura encore envie dans le réel de laisser éclore nos fantasmes, de laisser parler ces pulsions que même les plus belles images de seins taisent ?

Parce que si pendant l'amour on en vient à se pincer toutes les deux minutes pour se dire que c’est bien réel, je suis pas sûr qu’on y prenne beaucoup de plaisir et ce même si dans un dernier élan de romantisme après l’orgasme, on se regarde aussi ému qu'endolori en se disant "tu sais j’en pince pour toi !".

Oui mais vous voyez comme on est, quand on pense au futur, faut toujours qu’on imagine le pire. C’est curieux quand même quand on y songe, ce besoin de cauchemar.

Pourquoi on décrit toujours des scenarii catastrophes dans lesquels la réalité dépasse l’affliction ?

Pourquoi le futur on l’imagine toujours à l’imparfait ?

Car, au cinéma comme ailleurs, ce qu’on projette c’est toujours nos peurs. Et on ne cesse de remettre notre courage à demain.

Alors bien sûr dans 20 ans on se sentira peut-être rassuré de ne pas s’être finalement transformé en Tourteau mais on ne fera que se dire que le pire n’est pas arrivé, sans jamais avoir vraiment imaginé un monde meilleur.

Alors cher Steven Spielberg, la prochaine fois, ça vous dirait pas de faire un film entier, sur le futur dans lequel on ne couperait pas l’espoir en deux ? Car, vous savez l’espoir, même s’il ne tient qu’à un fil, permet de recoudre les plaies du présent avec des points de futur.

Tendrement,

Michaël