Les histoires extraordinaires - Henrik de Danemark

Henrik du Danemark 5:53
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Marc Messier brosse ce dimanche le portrait du prince Henrik de Danemark, né Henry de Laborde de Montpezat, mort cette semaine à 83 ans.

Un vieil homme perdu dans la neige.Trébuchant jusqu’à sa dernière demeure. Le délire de ses derniers mots et l’amertume de son dernier souffle. Un vieux Prince sans couronne, mort seul,  loin de chez lui, le Béarn loin de la Baltique. Sa vie passée à côté d’une Reine qui le prenait pour un con. L’Histoire shakespearienne et édifiante d’Henry de Laborde de Montpezat. Un faux noble vous diront les vrais aristocrates, des particules décrochées sous Napoléon III, un comte d’empire, devenu Prince consort du Danemark, après son mariage, en 1967, avec Margrethe, la fille ainée de Frédéric IX,  Roi du Danemark et d’Ingrid de Suède, une Bernadotte, descendante de Joséphine de Beauharnais.

 

Une mésalliance pour les chroniqueurs royaux Danois pour lesquels Henry de Montpezat ne fut jamais qu’un Rastignac Français, prétentieux et renfrogné, une pièce rapportée indigne de la Couronne Danoise. Une blessure pour cet homme qui changea de prénom, Henry pour Henrik, troquant son élégant Y contre un « i » ordinaire et un « k » rustique. Cet homme qui devint Danois et abjura sa foi Catholique pour se convertir au Protestantisme. Cet homme qui brûla sur la neige une partie de sa culture, pour l’amour d’une Princesse, devenue une Reine, qui le laissa à jamais dans sa traine...   

 

Une Souveraine adorée par ses sujets. Un Prince mal-aimé par les Danois. Un Français souvent moqué, régulièrement montré du doigt par la presse Copenhaguoise. « Tout ce que je faisais était critiqué ...» raconte- t-il dans « Noblesse Oblige », son autobiographie publiée en 97  « Mon danois était bancal, je préférais les chaussettes en soie aux chaussettes en tricot, les Citroën aux Volvo, le tennis au football, j’étais différent » Un étranger. Un drôle d’immigré. Quelqu’un qui représentait quelque chose d’incongru au Royaume du Danemark. Un homme qui portait un blazer au milieu des anoraks, qui buvait du Bordeaux au pays de Carlsberg et de Tuborg. Un français égaré au milieu de 5 millions de luthériens, souvent soûlés à la bière pour oublier qu’ils sont les citoyens les plus heureux du monde et qu’il n’y a que la petite sirène qui ne se gèle pas les miches sur le port de Copenhague.

 

Henry de Laborde de Montpezat. Un béarnais, né à Talence, en Gironde le 11 juin 1934. Les derniers jours du printemps n’annoncent rien de bon : Hitler affute sa nuit des longs couteaux, Leni Riefenstahl tourne le Triomphe de la Volonté. Churchill déclare redouter le pire. A peine né, que le couffin du tout petit Henry vogue vers l’Indochine ou son père possède des plantations d’hévéa, de riz et de poivre. Jean de Montpezat, un planteur lettré et royaliste, qui avait créé un journal français à Hanoï. Lorsqu’Henry nait, sa mère Renée doursenot, sans apostrophe, n’est pas encore officiellement divorcée de son premier mari, un ancien prêtre défroqué, avec lequel elle n’avait pas eu d’enfant. Elle se rattrapera avec le père d’Henry. Puisqu’ils en auront 9 au total. Henry sera le deuxième et rentrera en famille en métropole à l’âge de 5 ans. Une jeunesse heureuse à Cahors et un retour en Indochine à l’adolescence ou Henry passera son bac. L’Asie Magnétique. Une fois revenu à Paris, il étudiera le chinois et de vietnamien à l’Institut des Langues Orientales, en même temps qu’il fera son droit à la Sorbonne.

 

Un petit bagage de diplomate qui l’enverra à Londres. Un Poste de secrétariat. Il est beau gosse, à l’aise partout, il joue de l’orgue, connait déjà bien le vin et écrit des poèmes. C'est là, à 33 ans, qu'il rencontrera celle aux côtés de laquelle il passera un demi-siècle. Margrethe, Princesse héritière du Danemark.  En juin 67, ce sera le mariage d’un couple de cinéma. Du play-boy et de la belle princesse. Tout le gotha européen est au rendez-vous, lorsque Henry dit « Ya » à Margrethe. Frédérik et Joachim naîtront sur les couvertures de tous les magazines people de l'époque. Au fil du temps, Henry, devenu Henrike et Prince consort, commencera à s'ennuyer au Palais et dans l'ombre de son épouse, devenue la Reine. Toujours derrière elle. Jamais, sur le même pied qu'elle.

 

Une situation qu'Henry de Danemark dénoncera publiquement à plusieurs reprises. Une inégalité insupportable au pays de l'égalité des sexes. Pour montrer son désaccord, il ira jusqu'à se faire porter pâle pour les 75 ans de son épouse, préférant aller faire la fête en Italie, avant de se réfugier dans son château de Caïx, dans le Lot au milieu de ses vignes.  L'été dernier, il avait fait savoir qu'il ne souhaitait pas être enterré à côté de la Reine Margrethe, expliquant que n’étant « pas l’égal de sa femme dans la vie, il ne souhaitait pas l’être dans la mort ».  Une poignée de terre du Béarn sur la neige des Vikings. Quelque chose d' « Hamletien », de tragique dans l’existence de ce Prince du Danemark qui aura attendu toute sa vie une couronne que seule la mort lui aura offert.