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Marc Messier nous brosse ce dimanche le portrait de Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste chinois.

Xi Dada. Traduisez Tonton Xi. C’est comme ça que Xi Jinping aime se faire appeler par les chinois. Dada. Le tonton. L’oncle, rassurant avec ses sourires sur les posters, la rondeur de ses mots, sa cordialité parfaitement dosée. Une image de bon Dada, bonhomme et connecté, contrastant avec le hiératisme et l’austérité des Mao Zedong, Zhou Enlai et autres Deng Xiaoping . Le changement s’arrête là. Les limites du maquillage et de la Com de Pékin. Si l’idéologie n’est plus ce qu’elle était, rarement le PC chinois aura été aussi éternel et tout puissant.

Xi Jinping a 64 ans, le visage poupin, un rien boursoufflé, une voix de baryton, des cheveux gominés et une épouse archi-célèbre: Une ancienne chanteuse vedette de l’Armée Populaire de Chine. Aucune contrepèterie. Une beauté à la voix splendide, sortie du rang avec le grade de général. Une star de la chanson patriotico-coco-cucu, richissime et mise à la retraite il y a quelques années pour ne pas faire d’ombre à son époux. Xi Jinping, qu’on appelait encore le mari de la chanteuse, à son accession à la Vice-Présidence, en 2008. Un inconnu devenu, 5 ans plus tard, le 1er des Chinois. Un géant d’un mètre 80, régnant sur un milliard 400 millions de sujets,  une Chine devenue ces dernières années, la 2ème économie Mondiale et le principal moteur de la croissance internationale. L’Empire du Milieu, depuis des siècles et des siècles, peut-être, demain, le Centre du Monde.

Xi Dada. Tonton Xi. Un fils de. Un enfant de l’Aristocratie communiste, l’un de ces "Princes Rouges", comme on appelle les descendants des compagnons historiques de Mao. Le père de Xi Xinping était l’un de ceux-là dans les années 30, l’un de ceux qui sera aux côtés du Grand Timonier, lorsque celui-ci proclamera, en 1949, du haut du balcon de la Cité Interdite, la naissance de la République Populaire de Chine. Xi Jinping, naitra 4 ans plus tard, en 1953. Comme tous les fils de. Le petit garçon grandira dans la "grande cour", une ancienne résidence impériale, cachée derrière une immense porte rouge, en dehors de Pékin. Pendant des années, celui que ses petits camarades appellent alors Xiao Pang Xi, le petit gros Xi, vivra avec sa famille entouré de domestiques et de précepteurs. Les privilèges de l’Elite Rouge : Nounou et Précepteur pour chaque enfant, une voiture fabriquée en Russie et le téléphone relié directement au standard du Parti.

En 1969. La révolution culturelle est à son paroxysme, le petit livre rouge se vend 100 fois mieux que la Bible, Xi a 16 ans, son père, gros buveur et trop libre penseur est emprisonné, sa mère internée dans un camp. Lui est expédié à la campagne, comme des dizaines de millions d’adolescents chinois, instruits, donc potentiellement subversifs. Un stage de rééducation avec des paysans dans un village troglodytique, sans route, ni électricité, il vit dans une grotte, paumé au milieu des montagnes.  Des années douloureuses dans les champs et des centaines de soirées à lire tout ce qu’il trouve à la lueur d’une lampe à kérosène. Xi entrera au parti à 21 ans, décrochera un diplôme de chimiste a 25 et se lancera en politique à 26.

Mao est mort, sa momie à Tian An Men, le père de Xi réhabilité. C’est lui qui va le mettre en selle. Lui ouvrir les lourdes portes du Parti. Xi est prudent, obéissant, avisé et il maitrise tous les codes du régime. Il va rapidement devenir Gouverneur d’une province, puis le Patron du Parti dans 2  autres régions. En 2007,  le n°1 chinois de Hu Jintao l’appelle pour faire le ménage à Shanghai ou le Parti est mouillé dans un énorme scandale de pots de vin. Xi flinguera les ripoux les uns après les autres et entrera dans la foulée au Comité permanent du Bureau politique, le Saint des Saints du PC Chinois. 5 ans, plus ce sera lui le Patron.

Le parcours remarquable d’un petit Prince communiste devenu l’Empereur Rouge. Xi Dada.  Tonton Xi. Un vrai dur, sous ses airs affables et conciliants. Un conservateur inflexible, un farouche nationaliste. Le  chantre d’un libéralisme sans liberté, d’une modernité sans mutation. Un Vieux qui crache,  un dragon qui passe. La Chine impassible. Immuable. La révolution n’est sans doute pas encore pour demain.