Yoweri Museveni, "réélu" une cinquième fois à la présidence de l'Ouganda

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L'histoire de la semaine, c'est la réélection pour un cinquième mandat de Yoweri Museveni, 71 ans, à la présidence de l'Ouganda, petit pays de l'Afrique des grands lacs.

"Ma bananeraie" ... A entendre Yoweri Museveni, l'Ouganda, c'est à lui. Son pays, sa plantation personnelle, celle qu'il considère avoir créée il y a trente ans, lorsqu'il a pris le pouvoir à Campala. Sa bananeraie dont il estime avoir depuis la jouissance exclusive. Pas touche, les singes et les contestataires n'ont qu'à bien se tenir sinon "panpan", c'est le bâton et la cage dans la foulée, une cage dont on se ressort pas toujours vivant. L'Ouganda, la perle de l'frique selon un Churchill émerveillé, le royaume de mzi. "Mzi", le vieux en swahili, le vieux comme on désigne respectueusement le père sur le continent et comme Museveni adore se faire appeler  depuis quelques années. Le vieux qui règne sur l'un des plus jeunes pays du monde, où 80% des ougandais ont moins de trente ans. Un peuple qui n'a quasiment connu que lui. Les enfants de papa Museveni. Yoweri Museveni, 71 ans depuis septembre dernier, la moustache et le crâne si lisses et impeccables l'un que l'autre. Les sourcils souvent froncés, le chapeau toujours bien mis, rond large, couleur beurre frais. Un chapeau de planteur ou d'acteur. Un caractère versatile, instable, un bonhomme aussi drôle et bienveillant que bilieux et intraitable. Un jour président paysan embrassant ses ougandais, le lendemain un président tyran  les faisant bastonner et disparaître.

 

Un dictateur autrefois idéaliste, un bébé né en 1944 dans une case en dur des hauts plateaux de l'ancien royaume d'Ancolé, dans le sud de l'Ouganda d'hier, sous protectorat britannique. Une seule saison, une chaleur accablante, la région est encore pleine de capi, de gorilles et d'éléphants. La seconde guerre mondiale n'est pas encore terminée, mais le père de Yoweri a rempli son contrat dans les troupes de sa majesté le roi George VI, le héros bègue des anglais. Pour sa fidélité et ses coups de fusil, il recevra un joli troupeau de vaches et quelques pièces d'or, de quoi envoyer son fils étudier chez les anglicans. Une éducation qui mènera le jeune Museveni à la fin des sixties dans la toute jeune Tanzanie née de la fusion du Zanzibar et du Tanganica, la Tanzanie de Nyerere, l'un des pères du marxisme africain, ange gardien et banquier de tous les rebelles du continent noir. C'est là, sur les bancs de la fac de Bares Alam , que Museveni va avoir la révélation : une Afrique débarrassée de tous les anciens colons blancs et des nouveaux despotes noirs qui ont profité des indépendances pour s'installer. Ce seront les guerilleros, communistes du Mozambiques, qui lui apprendront à dégainer un pistolet et tirer à la kalachnikov. Un révolutionnaire ardent et un rien romantique, qui va retourner chez lui en Ouganda, où un affreux salopard a pris la tête du pays.

 

Indezine Dada, l'un des pires Ubu roi africains que le continent a connu à cette époque là. Des années de clandestinité, résistance et de maquis pendant lesquelles Museveni perfectionnera son tir et taillera sa légende. Un combattant doté de pouvoirs presque extraordinaires qui racontera dans son autobiographie comment une nuit tout seul, il a tué des dizaines d'ennemis venus l'assassiner. Les ougandais en sort encore baba. Dada est tombé, Museveni renversera son successeur dont il était devenu le ministre de la défense. Un putsch qui lui tire encore quelques larmes aujourd'hui. Sa traversée de Campala en ruine dans une Mercedes blanche et resplendissante, un grand souvenir. Trente ans plus tard, le Mzi est heureux, non seulement ses millions d'enfants l'ont réélu mais les homosexuels, ces bêtes noires, ne se montrent plus dans le pays. L'Occident est derrière lui, sa bananeraie est florissante, et sa famille aux postes clés de son régime. un dictateur satisfait, un homme devenu la caricature de ceux qu'il a combattus et chassés du pouvoir il y a trente ans.