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Fête de tous les pères, celle de héros du quotidien comme comme celle de modèles masculins trop peu présents.

"Pa-Pa", ce sont souvent les 2 premières syllabes qui viennent à la bouche d’un bébé, quel que soit son sexe et quel que soit la figure qui se penche au-dessus de lui. Ce 1er mot, ce 1er "Pa-Pa", rend souvent, il faut l’avouer, l’apparent destinataire aussi ravi qu’idiot. Ce sourire plein de fierté et de reconnaissance qui donne l’air jobard à n’importe quel géniteur. A l’inverse, ce 1er Pa-Pa, sorti avant "Ma-Ma", a souvent un goût  d’ingratitude pour une mère qui, peu de temps auparavant, a fait don de son corps pendant 9 mois à la créature et qui peine, souvent, à se remettre de sa grossesse et de ses émotions.

Mais oublions "Ma-Ma" et revenons à celui que l’on célèbre aujourd’hui : "Papa", comme on dit une fois propre, en état de marcher et plus ou moins conscient de tout ce qu’on lui doit ou pas ; "Papa", celui à qui l’on ne sait jamais quoi offrir. Celui qui n’a jamais besoin de rien… Papa, cet homme que l’on ne voit jamais pleurer, cet être auquel, à tout âge, on doit honneur et respect, selon le code civil.

 

Exemptés, les enfants des pères qui n’ont jamais su qu’ils l’étaient. Aucune obligation non plus pour les enfants de ceux qui n’ont jamais assumé leur paternité. Un lien naturellement distinct de celui qui raccorde l’enfant à sa mère. Certains pères ont beau insister pour couper le cordon, l’attachement n’est pas le même. Pas forcément moins profond, mais différent vous diront les psys. Ceux-là même qui asséneront que tous les garçons ont un jour rêvé de se débarrasser de leur père, pour lui piquer sa place auprès de leur mère. 

Le fils "tueur de son père" d’un côté, de l’autre sa fille qui veut le sauver. Œdipe à double sens...

La relation "père-fille", une histoire d’affinités particulières, d’inclination naturelle. Les rires, les confidences, les genoux, les câlins. C'est sa "princesse" à lui, son "ange", son "amour." Elle, est secrètement amoureuse de lui, c'est son petit "papa." Son papa rien qu'à elle. Celui qu’elle voudrait épouser plus tard… Les psys en rajouteront une couche en parlant de l’homme de sa vie, une passion souvent chargée d’ambivalence et malentendus, une fois le papa devenu le père. 

 

Pas forcément moins complexe, la relation "père-fils", souvent forte et émouvante. Cinématographique pourrait-on dire, car sans effusion et dans l'économie des mots. Les regards et les sourires en disent suffisamment long. Le père modèle, le père repère, l'inspirateur...Le héros discret à la lumière duquel on devient un homme, une histoire simple ou pas. Une relation pudique ou virile, avec des concours de baballes et de zizi, au choix...

Des incompréhensions inévitables, des engueulades nécessaires. Des baffes parfois salutaires... Autant de regrets pour ceux qui ne l’ont pas connu : c'est le grand absent. Le Père qui a manqué toute une vie, une place immensément vide.

 

Papa, cet homme infiniment estimable, qui ne donne jamais la vie et qui élève ses enfants, sans jamais avoir la moindre preuve qu’ils sont de lui. Le doute, le temps d’une seconde, parfois une vie entière. Un soupçon, quelques fois justifié, pas toujours dissipé, parfois douloureux.  Des générations de pères torturés et silencieux, des générations d’enfants malheureux qui n’ont jamais compris.

 

Pour leur fête, on oubliera, les pères tyranniques et les étouffeurs, les tous puissants, les impuissants et les castrateurs. On oubliera ceux qui n’ont jamais pensé qu’à eux même. Les salops qui sont partis et qui ne sont jamais revenus. Les pervers et les pères indignes... Leurs insultes, leurs coups de ceinturons et leurs caresses infâmes. Ces pères-là ausssi existent, mais il n’y a aucune beauté dans la noirceur.

 

Aujourd’hui, on fêtera nos pères aimés. Ceux qui ont fait de nos enfances des fêtes. Tous ces pères qui à Noël, n’ont jamais oublié nos petits souliers. On pardonnera à ceux qui, plus tard, n’ont pas toujours su comment s’y prendre. Ceux qui n’ont toujours su dire les choses. Le père idéal n’est qu’imaginaire ou spirituel.

On chérira le souvenir de celui qui n’est plus là et on serrera très fort celui qui n’a plus toute sa tête. Ce père que l’on aimerait ne jamais voir vieillir, cet homme irremplaçable que l’on aimerait ne jamais voir mourir.

Texte de Marc Messier