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Charismatique et imprévisible, Evo Morales a surtout redonné espoir aux plus miséreux de Bolivie. 

Evo Morales peut aussi bien apparaître à la télé en tenue de football qu’habillé en costume traditionnel des Andes, avec le "chullo" à pompons sur la tête et le poncho en alpaga  sur le dos. Evo Morales assure autant le spectacle qu’il entretient le folklore de ses origines : un pauvre paysan de l’Altiplano, devenu le "Seigneur de la Bolivie." Un fils de gardien de lamas, né à 3.500 mètres d’altitude, un jour d’octobre 59. On ne sait pas encore si le bébé survivra. La vie est brutale et souvent cruelle pour les indiens Aymara qui vivent dans l’Altiplano. Une case en terre, un toit de paille, une cahute de 15 mètres carrés perdue dans les steppes chauves de la Cordillère des Andes. Le soleil brûlant, les vents glaciaux... Le jour, on cuit, la nuit, au grelotte. On dort avec ses vêtements. Il n’y a ni d’eau, ni électricité. Pas de quoi se soigner et à peine de quoi manger. La famille Morales perdra 4 de ses 7 enfants, Evo sera l’un des 3 survivants. 

Seule distraction pour le petit garçon : le troupeau de lamas que garde son père, des bestioles qui crachent à la moindre contrariété. Ça gicle, ça pue. "Quand lamas fâchés… Eux toujours faire ainsi." Le capitaine Haddock s’en souvient, Morales aussi, 40 ans plus tard il en rit toujours !

Sa scolarité est vite faite, pas le temps d’apprendre l’espagnol, il se concentre sur la lecture et l’écriture de l’Aymara, la langue des Incas, ses ancêtres, ceux, dont il a hérité les traits… Une gueule d’Indien, sortie d’un Tintin en Amérique du Sud : un nez de Perroquet, comme il le décrit lui-même, des joues de trompettiste et une tignasse noire de jais, la raie au milieu, pas loin de la perruque…

Pour survivre, le jeune Evo quittera ses hauts plateaux, ou rien ne pousse, pour l’étage d’en dessous, la région tropicale du Chaparé, nettement plus florissante. L’un des paradis de la Coca, "la plante des Dieux et des Chamans." Les feuilles que les indiens mâchouillent depuis la nuit des temps : rien d’hallucinogène, juste un petit remontant naturel, tout à fait légal en Bolivie.

Evo deviendra un Cocalero, un type charismatique qui, au fil des années, s’imposera comme le défenseur de tous les petits planteurs qui n’ont que la Coca pour manger. Ce sera son bastion syndical et politique. Morales n’a peur de personne. Il est habile, socialiste, anticolonialiste et anti-impérialiste et anti-cravate… Très anti et très entier… Il vomit les américains et vénère Castro. Evi promet un avenir à tous ceux qui n’en ont pas en Bolivie, tous les crève-la-faim du pays qui le porteront pour la 1ère fois à la Présidence en 2006. Ils n’auront pas à le regretter : 10 ans plus tard la pauvreté a diminué de moitié, le pays est stable comme jamais, après 160 coups d’Etat depuis 1825. Une croissance à plus de 5% depuis des années : les riches sont devenus plus riches, les plus modestes sont mieux lotis qu'avant.  Une gestion archi-rigoureuse, à la chilienne, lui permet de dresser un bilan positif. Morales a fait construire des égouts, des téléphériques, des écoles, des centres de santé, des terrains de foot. Ce n’est pas le Pérou, mais la Bolivie, à la queue leu-leu du monde ne s’est jamais aussi bien portée.

Morales chique tranquillement sa coca au Palais Quemado. Au mur est accroché sous verre son maillot de foot : le n°10 des Sports Boys, des pros avec lesquels il a joué titulaire la saison passée. Sur son bureau, plusieurs photos, celle de son ami Chavez et celles de ses 2 grands garçons que cet éternel célibataire a mis longtemps à reconnaître. Les femmes passent les enfants restent… Il est "marié à la Bolivie" répète-t-il sans cesse. La dernière photo sur son bureau est la plus inattendue :  celle de "Frère Pape François", comme il l’appelle, "El Papa", venu à La Paz, l’année dernière. Evo lui avait offert un crucifix en bois, en forme de faucille et de marteau. Le Saint-Père en était resté baba. Humour, provoc', Morales, à confesse… Pourquoi pas ? "Avec lui on ne peut  jamais savoir", explique le Nonce apostolique de la Paz. "Evo Morales est comme tous les boliviens : il met le clignotant à gauche et il finit toujours par tourner à droite…"