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Mère amour ou mère amère, mère présente ou mère absente, elles sont toutes dans nos cœurs aujourd'hui, à l'occasion de la Fête des mères.

Une porte qui s’entrouvre  sur un dimanche matin ensommeillé. Subitement, le tohu-bohu des tout petits. Les « Bonne fête Maman » criés dans la joie. Les poèmes mal récités et pleins de postillons. Puis, les offrandes, qui suivent, dans du papier crépon. Le bracelet de moules ou le sautoir de macaronis passés à la peinture à l’eau. Le cadre en papier mâché, jamais au format des photos. Le dessin jaune-rouge-vert, vraiment moche comme tout.

Tous ces petits cadeaux de l’Education Nationale, qui chaque année font, pendant quelques minutes, le bonheur des Mamans. Des yeux riboulants de tendresse. Des baisers en mitraille. Un final de grands câlins. Papa ou pas, la situation ne change rien à l’histoire d’amour à la mère.

L’Amour maternel que Rousseau, Balzac et Hugo ont glorifié, sublimé. Une histoire dont Proust ne s’est jamais remis. L’Amour maternel nécessaire et fondateur selon les psys. Un Amour pas toujours bien compris, pas toujours bien dosé. Un Amour souvent compliqué au fil du temps. Parfois casse-gueule, toxique. Un Amour quelque fois fou, impossible et malheureux.

Maman, la première Femme. Déterminante pour les garçons. L’homme, produit de sa mère. La mère initiatrice, "Pygmalionne". Amour toujours, parfois trop lourd. Maman, une femme unique, vous déclareront souvent ses fils. Une dévoreuse, une ogresse répondront leurs belles filles.

Maman, la plus belle de toutes. Naturel pour des mâles qui rêvent, parait-il, d’épouser leur mère. On n’évoquera pas leurs penchants à buter leur Père, la fête de celui-ci n’étant au calendrier que dans 15 jours.

Beaucoup d’hommes fêteront leur mère aujourd’hui, comme on célèbre une Sainte. Une fois par an, des fleurs, du parfum en guise d’encens, de bonnes résolutions comme des prières… On s’arrêtera là : celle de Jésus mise à part, aucune mère n’est une Sainte. Toutes les filles vous le confirmeront. Naturel  pour des femelles qui rêvent, dit-on, d’épouser leur Père. On passera là-dessus, ce n’est pas le jour.

Aujourd’hui, on oubliera Freud pour ne pas se prendre la tête. C’est la fête des mères, pas celle d’Œdipe. On oubliera Freud, aussi Pétain. Le Maréchal et ses défilés de Mères de la Patrie, de Mères Pondeuses, avec leurs médailles et leurs tableaux d’honneur. Pétain, qui contrairement à une rumeur de l’histoire, n’a jamais inventé la Fête des Mères. Le vieux l’a juste remise au goût du jour sous l’occupation.

Une fête née loin de Vichy. Un petit village de l’Isère, Artas, juin 1906. L’initiative de Prosper Roche, un parfait inconnu qui voulait rendre hommage aux mères de familles nombreuses. Pas de tarifs spéciaux, mais un prix du "Haut mérite maternel". Une journée des mères sera officialisée, en 1929, par la 3ème République. La France a perdu ses fils dans les tranchées, il s’agit d’encourager la reproduction. Faites et refaites des enfants qu’ils disaient. Merci les Dieux. Les Mères que les Antiques célébraient déjà il y a plus de 2000 ans. On louait les Matrones à Rome et on chantait Rhéa, la maman de Zeus, à Athènes.

Aujourd’hui, on oubliera les mauvaises mères, les méchantes, les indignes, les jalouses, les castratrices, les hystériques, les tarées, les dominatrices. On oubliera toutes les mères Fouettardes, les mères Michel, et les mères Thénardier. On fêtera les autres, biologiques ou adoptives, celles qui nous  ont bercés avec Amour. Ces Mères aimantes, tendres, consolatrices, protectrices. On fêtera les Mères courage, les Mères dévouées, les Bonnes Mères et les Belles-mères, qu’on aime, par la même occasion.

On pensera enfin à celles qu’on ne pourra pas serrer très fort aujourd’hui. Les Mamans qui sont au ciel, comme on dit aux tout petits, ceux qui sont entrés brusquement dans la chambre tout à l’heure. Des pensées toutes tendres aussi pour les Mamans dont les enfants ne sont seront pas là aujourd’hui, parce qu’ils ne sont plus là. Des Mamans, qui ressortiront peut-être, de leurs placards, un affreux collier de coquillettes ou un vieux dessin tout moche. Les plus beaux souvenirs du monde.