Analyse et décryptage du troisième et dernier débat de la primaire de la droite : les experts d'Europe 1 vous informent

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SAISON 2016 - 2017

Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Antonin André font le point sur l'actualité du jour, le dernier débat de la primaire de la droite.

 

Antonin André, expert politique

On revient sur le dernier débat de la primaire, hier soir sur Europe 1. Comment se sont comporté les trois principaux favoris, qui a marqué des points ?

On nous a présenté trois offres  bien identifiées : Alain Juppé le père tranquille garant du rassemblement, Nicolas Sarkozy l’énergique qui promet l’autorité et expérience et François Fillon la rupture la réforme radicale à tous les étages.

Tous les trois ont plutôt bien défendu leur crédo.

Alain Juppé n’a pas cassé la baraque, il est resté prudent, pugnace dans ses échanges avec Nicolas Sarkozy sur l’immigration et François Fillon sur les suppressions de postes dans la fonction publique mais sans agressivité.

Nicolas Sarkozy solide et habile. À chaque échange thématique, il prend la parole en dernier, il ramasse les copies et donne la correction en quelques phrases. En mode, c’est moi le boss.

Enfin François Fillon, il est le gagnant de ce débat, ou plutôt des trois débats, parce qu’il a fendu l’armure. Il a commencé en sobriété avec  un programme sérieux et détaillé, et  il termine sur un ton plus personnel pour s’adresser aux électeurs, quand il casse le débat pour dire parlons des sujets sérieux où lorsqu’il conclue par un appel : déjouez les sondages, l’élection n’est pas écrite d’avance. Il reprend en fait le discours de Philippe Séguin à Bondy en décembre 1994, aux côtés de Jacques Chirac.

"Arrêtez donc de croire qu'il va y avoir une élection présidentielle. Le vainqueur a déjà été désigné. Proclamé. Fêté. Encensé. Adulé. Il est élu. Il n'y a pas à le choisir, il y a à le célébrer. Cela n'est plus la peine de vous déranger. Circulez, il n'y a rien à voir?".

Philippe Séguin c’est le mentor de François Fillon, et il y avait une densité au moment de sa conclusion qui peut laisser une trace pérenne dans l’esprit des électeurs au moment du vote.

Un mot des autres candidats ?

Nathalie Kosiusko-Morizet s’est détachée dans ce deuxième peloton, très décontractée, drôle parfois. Elle a incarnée la candidate de la modernité, du numérique et de la Défense. Vous lui parlez de n’importe quel sujet elle le ramène aux questions de Défense, dont elle brigue déjà le ministère.

Bruno Lemaire lui n’a toujours pas trouvé le ton juste. Il s’est même empêtré sur le renouveau en convenant que l’expérience vue la situation du pays était utile. Raté !

Jean-François Copé donne, lui,  toujours le sentiment de régler des comptes personnels.

Est-ce que ce débat va faire la différence ?

C’est impossible de le dire à l’issue de ce débat parce que personne n’a fait de faute et aucun n’a non plus écrasé ses concurrents, ce que l’on peut dire aussi au moment où s’achève la campagne, c’est qu’elle a été riche, sur le fond avec un travail très  argumenté des uns et des autres, des propositions, des styles et des tempéraments différents. Et c’est plutôt à mettre au crédit d’hommes politiques parfois un peu facilement décriés.

Géraldine Woessner pour le Vrai faux de l'info

Le vrai-faux de l’Info avec les candidats à la primaire de la droite qui ont abattu leurs dernières cartes avant le vote de dimanche.

Lors d’un débat assez technique, Nicolas Sarkozy s’est illustré avec un ton moins technique que celui de ses concurrents et plus professoral. Il est l’homme des visions et des grandes idées, quitte à prendre quelques libertés avec les dossiers.

Nicolas Sarkozy : "Si nous sommes le pays d’Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre, c’est parce que nous avons une filière nucléaire qui fait notre honneur".

La France est le pays d’Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre, c’est vrai ou c’est faux ?

Non, c’est faux. La France reste l’un des premiers pollueurs européens, avec 460 millions de tonnes de CO2 rejetés dans l’atmosphère en 2014, c’est deux fois moins que l’Allemagne en effet, moins que la Grande-Bretagne, mais beaucoup plus que l’Espagne ou même que l’Italie, qui ne produit plus d’énergie nucléaire pourtant. Rapporté au nombre d’habitants, c’est mieux, mais pas idéal. Huit pays en Europe émettent moins de CO2 : notamment l’Espagne, le Portugal, ou encore la suède qui cartonne dans le renouvelable avec plus de la moitié de sa consommation. Chez nous, cette part est de 17% seulement, clairement, la France est en retard.

Quel est le taux de TVA de la Suède justement ?

25% mais toujours selon Nicolas Sarkozy, ce serait une aberration : il s’oppose à l’augmentation de deux points que veut Francois Fillon, pour financer des baisses de charge. 

Nicolas Sarkozy : "Je refuse les deux points de TVA. Il propose 22% : il n’y a pas une grande économie moderne qui soit à ce taux de TVA".

C’est vrai que la Suède n’est pas une grande économie.

Mais la Grande-Bretagne, si, et elle est à 20% de TVA en 2016, 22 en Italie, et dans les pays du nord comme le Danemark et la Suède, c’est carrément 25. En fait, les taux de tva sont plus faibles en Amérique du Nord. En Europe, la moyenne atteint 21,8%. Elle est devenue partout la principale taxe sur la consommation. Et surtout, il faut prendre en compte des différents taux appliqués, il y en a 14 différents en France : la Cour des comptes calcule un taux moyen pondéré : 14,8%, bien en dessous de la moyenne européenne de 17,9%, ça laisse une marge de progression.

Un mot sur une autre dossier qui a occupé une grande partie du débat, l’éducation. Sans doute le moment le plus sincère d’ailleurs.

C’est vrai, parce que si les propositions différent, tous se sont accordés sur ce constat de Nathalie Kosciusko-Morizet:

NKM : "En français surtout, il y a 600 heures de moins qu’il y a trente ans sur le cycle primaire plus collège. Donc il faut réapprofondir le cycle des apprentissages fondamentaux".

600 heures de français de moins qu’il y a trente ans, c’est vrai ça ?

C’est globalement vrai, 522 heures de moins exactement qu’il y a 40 ans, c’est l’équivalent de trois années de cours au collège d’aujourd’hui. Comme si vous passiez de la sixième à la seconde mais il faut dire que les enfants passent aussi moins de temps à l’école avec 30 heures par semaine dans les années 60 contre seulement 26 aujourd’hui. Ça laisse moins de temps pour les fondamentaux.