Les condamnations ont-elles augmenté ?

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Les propos et surtout les chiffres avancés par le ministre de la Ville, Patrick Kanner sur notre antenne dimanche au sujet de la justice et de l'emprisonnement ont été passés au crible... et s'avèrent fantaisistes, explique Géraldine Woessner.

Le ministre de la Ville, l’un des derniers soutiens de François Hollande est monté au créneau dimanche, sur Europe 1, pour défendre la politique du gouvernement, face aux policiers en colère. "Il n'y a jamais eu autant de sanctions dans notre pays. Deux chiffres : 50.000 personnes en prison en 2012, aujourd'hui 70.000 (...) "La durée moyenne pour un détenu c'était en 2007, 8,3 mois. Aujourd'hui c'est 10,4 mois." 

On n’aurait donc jamais autant condamnés qu’aujourd’hui… C’est vrai ou c’est faux ? Complètement faux, répond Géraldine Woessner, à la fois dans la lettre et dans l'esprit. Les chiffres, d’abord. Il n’y avait pas 50.000 personnes en prison, mais 67.000 au 1 juin 2012, quand François Hollande a été élu. Il y en a au 1er septembre : 68.200, donc pas 20.000 de plus, mais 1.200, et comme la population a augmenté dans le même temps, comme le nombre de crimes et délits, la réalité c’est qu’on emprisonne moins qu’avant.

Maintenant ces détenus sont-ils plus lourdement condamnés ? Là non plus ce n'est pas évident. La durée moyenne d’emprisonnement en 2007, en dehors des peines très lourdes pour les assassins, était de 7 mois et demi. Elle est aujourd’hui de 8,4 mois, pas 10,4. 

 Avec un mois de plus, on pourrait penser que c'est plus sévère. or, les peines de prison ne représentent qu’une fraction des peines prononcées par la justice : 20%. Et il y a tout le volume des autres condamnations, qui lui, est en baisse, les bilans du ministère le montrent : 604.000 condamnations prononcées par les tribunaux en 2011, 580.000 en 2015. Le taux de réponse pénale a baissé de 6 points en 4 ans, avec deux fois plus de classements sans suite : c’est un fait, on condamne moins.

Mais est-ce parce que la justice est plus laxiste ? Les mesures alternatives aux poursuites, les sanctions éducatives, les dispenses de peines représentaient 15,9% du total des condamnations en 2011, 15,8% en 2015. On ne prononce pas moins de peines d’emprisonnement, pas moins de sursis. En revanche une statistique a baissé, c’est celle des effectifs de la justice, je vous parle des postes réels, des greffiers et des magistrats effectivement actifs dans les juridictions. Ils se sont légèrement érodés, on a toujours 2 fois moins de juges par habitant que la moyenne européenne.