François Hollande a-t-il réduit les inégalités ?

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François Hollande affirme qu'il a réduit les inégalités.

Vrai-Faux : François Hollande défend son bilan.

Dans son livre "Leçons du pouvoir", l’ancien président a des mots grinçants contre son successeur, qui a eu l’outrecuidance de le reléguer à "l’ ancien monde".  La façon dont Emmanuel Macron critique son bilan le hérisse, et il tacle :

"Mes gouvernements réduisaient les inégalités, celui-là les creuse".

François Hollande a réduit les inégalités. Vrai ou faux ?

Techniquement, c’est vrai, mais à dose homéopathique.

Pour mesurer les inégalités, on utilise un indice : le coefficient de Gini, qui prend en compte tous les revenus, dans l’ensemble de la population. Plus l’indice est proche de zéro, plus on approche de l’égalité, et plus il tend vers 1, plus les disparités sont fortes. Sur le long terme, l'indice était élevé dans les années 70, les inégalités ont ensuite diminué, fortement, jusqu’aux années 90. Puis la courbe s’est inversée, et en 2011, avec la crise, un nouveau pic est atteint. François Hollande est élu, et la première année c’est vrai, les inégalités vont décroître : parce que la crise affecte les revenus de patrimoine des plus riches (donc ils gagnent moins), et à cause des hausses d’impôts que le nouveau président décide. Mais les années suivantes, la tendance est moins nette, comme le montre l’Insee : les mesures qui sont prises pour soutenir les plus modestes (la hausse du RSA, la prime d’activité…) ont un impact, mais il reste faible, amoindri par d'autres mesures d'économies. Au final, en 2016, année pour laquelle on a les dernier chiffres, les inégalités ont retrouvé leur exact niveau d’avant la crise, celui de 2008.

Le problème, c'est que sur la même période, les impôts se sont beaucoup alourdis (les prélèvements obligatoires ont augmenté de 3 points).  Cela montre que sans cette redistribution massive par l’impôt, les inégalités structurelles en France, ne baissent PAS. AU contraire : quand on regarde cet indice de Gini, avant redistribution, elles sont parmi les plus élevées au monde : plus élevées même qu’aux États-Unis.

COEFFICIENT DE GINI AVANT ET APRÈS REDISTRIBUTION (2015, source OCDE)

                           Avant taxes et transferts              Après taxes et transferts

FRANCE                0,516                                       0,295

ÉTATS-UNIS          0,506                                       0,390

 

Et ces inégalités primaires de revenu se sont encore creusées sous François Hollande. C’est principalement dû au chômage (car en France, notamment grâce au SMIC, les disparités de salaires restent globalement stables depuis 1988.) La politique fiscale de l’ancien président, en somme, a limité la casse.

François Hollande affirme qu’avec Emmanuel Macron, ce sera pire.

On n’a pas encore d’indicateurs, mais à court terme, oui, c’est écrit. La baisse des cotisations ne compensera pas l’augmentation de la CSG, la baisse des impôts des plus aisés ou la diminution des aides au logement, qui contribuent pour 17% à la réduction des inégalités. Les économistes n’ont guère de doute : le fossé va se creuser la première année. Mais cela ne présage pas de l'avenir.

Car Emmanuel Macron fait un pari: il voit que la redistribution par l'impôt a ses limites (notre taux de prélèvement est déjà maximal), et ses effets pervers puisque le niveau élevé de charges est réputé freiner les embauches. Il veut changer donc changer de logiciel. Flexibiliser le marché du travail pour relancer l’emploi, réformer la formation pour booster les salaires. Le vrai problème dans ce schéma, c'est l’absence de mesures pour s’assurer que les gains réalisés seront équitablement répartis… Ce qui, dans l’Histoire, ne s’est jamais produit. Et c’est précisément ce qui alimente la colère, et les populismes.