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SAISON 2018 - 2019, modifié à

Ce samedi, Catherine Nay décrypte la rentrée politique du Premier ministre, Édouard Philippe.

Dans un climat politique perturbé pour l'exécutif, avec des sondages en berne, Édouard Philippe faisait sa rentrée, jeudi, lors de L'Émission politique sur France 2. Et ce qui vous a frappée, c'est la solidité du Premier ministre.

Oui, en regardant l'émission, on se disait qu'Emmanuel Macron ne s'était pas trompé en le nommant à Matignon. Lequel a précisé que, s'ils ne sont pas amis, leur relation est confiante, fluide, ils se parlent beaucoup. Et lui ne sera jamais un rival. Édouard Philippe n'a pas d'ambition présidentielle.

Et quand il le dit, on le croit, parce qu'il est loyal, honnête et peut-être aussi parce qu'il n'a pas envie du job. "Plus je vois ce qu'est d'être président, plus ça m'encourage à faire mon boulot de Premier Ministre", dit-il… boulot dans lequel il s'épanouit. Ce qu'il aime, lui, c'est expliquer, argumenter, déminer les polémiques.

Sur le départ de Gérard Collomb à Lyon, par exemple, ou sur la petite phrase du président conseillant à un horticulteur chômeur de traverser la rue pour trouver un emploi. Non, le Premier ministre n'a pas du tout été choqué par cette phrase. Courtois avec les journalistes, mais il ne se laisse pas faire : "Vous pouvez me laisser terminer", dit-il à Léa Salamé qui l'interrompt.

Vous avez vu un homme mature.

Oui, et justement, c'est cette maturité-là qui semble avoir fait défaut au président ces derniers temps. Je vous livre, là, un sentiment personnel. La fête de la Musique à l'Élysée, le 25 juin, avec ces danseurs LGBT, des hommes en bas résille, en mini-jupes de cuir, qui dansaient sur le perron de l'Elysée. C'était des images obscènes, choquantes. Et les photos du couple Macron qui posaient avec eux. Jupiter a changé d'image ! On a surpris chez lui, en effet, une forme d'immaturité. Et depuis, quelques petites phrases à l'emporte-pièce, des attitudes mal ajustées, qui confirment ce diagnostic. C'est dire si Édouard Philippe est précieux dans l'attelage.

Curieusement, il n'exclut pas un retour au Havre aux prochaines municipales.

"C'est une question que je me pose. La ville, la mer me manquent", dit-il. Matignon, c'est vrai, n'est pas un port de plaisance. Cela veut-il dire qu'il envisage de quitter Matignon, pour redevenir maire ? En plus, le Havre est une ville qui vote toujours à 60% pour la gauche aux élections nationales.

Si les prochaines municipales se jouent pour ou contre le gouvernement, ce serait un choix risqué. Et puis, Emmanuel Macron ne voudra pas se séparer de lui. Alors, est-ce pour mieux convaincre qu'il n'a pas du tout envie d'être candidat à Paris ?

Le clou de l'émission, c'était évidemment le duel avec Laurent Wauquiez.

Oui, c'était deux droites face à face. Pour schématiser, celle de Nicolas Sarkozy et celle d'Alain Juppé. Les deux hommes ne s'aiment pas et ils n'ont pas fait semblant : même pas bonjour. C'était du "Monsieur Philippe" et du "Monsieur Wauquiez". Bouches pincées, lèvres serrées, yeux revolver.

Le président des Républicains, qui avait devant lui des fiches pleines de chiffres, a attaqué sur le thème du laxisme. Selon lui, il n'y a jamais eu autant de titres de séjour. La France est le pays qui maîtrise le moins bien sa vague migratoire et ferait bien de s'inspirer du Canada ou de l'Australie, selon lui. Il propose une révision du droit du sol et des quotas d'immigrants fixés par le Parlement.

Le Premier ministre défend une politique équilibrée.

"Vous avez un problème avec la réalité, Monsieur Wauquiez", a-t-il dit. Lui préfère nuancer : "On ne peut pas accueillir tout le monde tout le temps", dit-il. "Mais l'asile est un droit et tous ceux qui n'y ont pas droit doivent être reconduits, cela demande des moyens considérables", dit-il. Ce qui, hélas, est vrai. "On peut se faire plaisir avec des formules. Soit on accueille tout le monde, ce que veulent certains, soit on ferme complètement." "Il ne vous a pas échappé, Monsieur Wauquiez, que l'Australie et le Canada n'ont pas la même géographie que la France." 

Monsieur Philippe et Monsieur Wauquiez en sont restés là. Deux droites irréconciliables.

Et alors, au final ?

47% des Français qui ont regardé l'émission ont jugé le Premier ministre convaincant. Est-ce à dire qu'ils ont été convaincus ? En tout cas, 60% jugent qu'il a l'étoffe d'un président. Justement ce qu'il n'ambitionne pas d'être !