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SAISON 2017 - 2018

Ce samedi, Catherine Nay décrypte la remise du prix Charlemagne à Emmanuel Macron ce jeudi, à Aix-la-Chapelle.

Bonjour Catherine,

Bonjour Wendy, bonjour à tous.

Jeudi, Emmanuel Macron était à Aix-la-Chapelle, en Allemagne, pour recevoir le prix Charlemagne, qui récompense chaque année une personnalité engagée en faveur de l'Union Européenne. L'occasion pour lui de réaffirmer ses ambitions.

Comme Winston Churchill, Jean Monnet, Simone Veil, François Mitterand, le Pape François, avant lui - pour ne citer qu'eux, Emmanuel Macron a reçu cette haute distinction dans la salle du Trône de l'Hôtel de Ville, un décor pompeux qui rehaussait son discours empreint de lyrisme, d'emphase et de cette foi européenne qu'il voudrait contagieuse.

Ceux qui l'écoutaient semblaient emplis de béatitude, buvaient du petit lait. Un auditoire très europhile. Mais pendant qu'il parlait, sans notes, Angela Merkel ne s'est pas départie d'un petit sourire énigmatique, difficile à déchiffrer. Admirative, agacée par ce jeune homme qui la secouait. "N'attendons pas, agissons". On était au spectacle.

Entendu sur europe1 :
Emmanuel Macron juge que Paris et Berlin doivent se délivrer de leurs propres tabous

Emmanuel Macron a déjà fait plusieurs propositions pour refonder l'Europe, notamment en septembre à La Sorbonne.

Il proposait notamment un budget et un ministre des finances commun de la zone euro, un fond de garantie bancaire des dépôts des particuliers, la création d'un Parquet européen contre le terrorisme. A l'époque, Angela Merkel était en campagne. Il lui a fallu plusieurs mois pour bâtir sa coalition. Reconduite en mars, la Chancelière ne lui a toujours pas fait savoir ce qu'elle pensait de ses propositions. Il y a quelques jours, Emmanuel Macron concédait qu'elles seraient impossibles, en l'état, à mettre en œuvre. Il parlait de compromis.

A Aix-la-Chapelle, il a tout de même lancé une charge contre ceux qui se satisfont de 70 ans de paix et se contentent du choix des plus petits pas à la dernière minute. Il visait d'abord l'Allemagne.

Oui, sans laquelle rien n'est possible, puisque le couple franco-allemand est depuis toujours le moteur. Emmanuel Macron juge que Paris et Berlin doivent se délivrer de leurs propres tabous. Pour l'Allemagne, son fétichisme perpétuel pour les excédents budgétaires et commerciaux, qui se font aux dépens des autres. Quant à la France, elle a changé, dit-il. Elle réduit ses déficits, elle engage des réformes structurelles. Donc, on peut avancer.

Et que lui a répondu Angela Merkel ? Parce qu'il lui revenait de faire l'éloge du récipiendaire de ce prix.

Comme à son habitude, sur ce ton de sobriété monocorde qui est sa marque, elle n'a fermé aucune porte. Bien sûr, elle a loué le courage de son ami Emmanuel et constaté, placide : "les discussions sont difficiles car les cultures sont différentes". Mais tout de même, elle a été très marquée, très impressionnée de voir qu'il suffisait d'une décision de Trump - sortir de l'accord nucléaire avec l'Iran - pour que les entreprises allemandes soient pénalisées, l'Allemagne, qui est le premier partenaire de l'Iran. Ce qui lui a fait dire : "le temps où l'on pouvait compter tout simplement sur les Etats-Unis pour nous protéger est révolu. L'Europe doit prendre son destin en main.". C'est la première fois qu'elle dit cela, répondant ainsi au vœu d'Emmanuel Macron de faire de l'Europe une puissance géopolitique et diplomatique qui ne doit pas se laisser dicter sa conduite par les Etats-Unis. On verra la suite puisque le couple franco-allemand doit faire des propositions en juin, au prochain sommet européen.

Mais on connait la Chancelière, elle est difficile à bouger.

Oui, et ce d'autant plus que l'Allemagne va très bien. Pourquoi changer, pourquoi se créer des soucis avec l'Europe ? Mais Emmanuel Macron a une alliée inattendue : l'opinion allemande. Le dernier sondage dit que 82% des Allemands approuvent la volonté du Président français de faire avancer l'Europe, 58% souhaitent que Merkel soit une Européenne plus passionnée, 42% estiment que sur la zone euro on ne va pas assez loin. Les médias allemands sont fascinés par ce Président qui ressuscite Bonaparte. D'ailleurs, la chaîne ZDF, qui a retransmis la cérémonie d'Aix la Chapelle et interviewé Emmanuel Macron la veille, a vraiment cartonné.