Natacha Polony, La Revue de presse 25.01.2016 1280x640 6:35
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La presse quotidienne revient ce lundi sur la colère sociale qui monte dans les secteurs de l'éducation ou du transport des personnes.

Ce matin en Une de vos journaux il y a les foules qui grondent, mais qui les entend ?
L’Opinion : Social : la colère monte.
Le Monde : Macron veut enterrer les 35h.
Les Echos : code du travail : la réforme qui divise le gouvernement.

Et puis on tourne le regard vers un pays où le peuple a voté sans qu’on l’entende davantage :
L’Humanité veut encore y croire : Retraites : les Grecs résistent toujours aux créanciers.
Mais le Figaro dresse le bilan : Alexis Tsipras : un an après, la Grèce toujours en panne.

 

Les origines de la morale

Le Parisien reprend à sa Une l’affligeante histoire de ces trois lycéennes qui ont humilié les résidents d’une maison de retraite en les filmant avec leurs portables. L’article évoque les questions sur l’encadrement des jeunes filles de 16 et 17 ans, la secrétaire d’Etat Laurence Rossignol évoque des interstices dans la surveillance.
Étrange conception et qui vient illustrer le dossier de Philosophie magazine qui pose cette question cruciale : Le bien et le mal, ça s’apprend ? Le magazine a voulu répondre à ces questions qui nous hantent surtout depuis le 13 novembre : "Comment des jeunes gens élevés dans des sociétés démocratiques et pacifiques, fondées sur des valeurs de tolérance et de respect d’autrui, sont-ils parvenus à annihiler toute conscience morale ?" Il y a bien sûr l’intériorisation des règles, en premier lieu ces règles de politesse qui, certes, incarnent un semblant de morale, mais permettent sans doute de passer ensuite de l’apparence de la vertu à la vertu elle-même. Ce qui devrait nous inciter à réviser sérieusement nos conceptions gentiment libertaires.
L’helléniste Pierre Judet de La Combe souligne pour sa part à quel point la confrontation avec les anciens, grecs et romains, nous permet de faire l’expérience de l’autre et de nous questionner sur notre éthique. "La leçon des anciens, dit-il, pourrait être la suivante : Il faut pouvoir s’imaginer comme un autre et non pas seulement tolérer l’autre". Mais les exemples de professeurs de philosophie éveillant des enfants à la réflexion nous offrent un espoir. Cette fillette de 6 ans qui raconte qu’elle avait volé sa meilleure amie mais s’était sentie mal et avait remis l’objet à sa place, et qui conclut par ces mots : "Bien sûr que j’ai envie de faire des bêtises, mais je ne ferai rien de tout ça parce que j’ai la loi en moi".
Sinon, dans Libération, on peut lire une tribune de Julien Coupat développant quelques rêves anarchistes et expliquant qu’il faut en finir avec l’idée dérisoire que glisser une enveloppe dans une urne puisse constituer un geste politique. Si nous avions tous la loi en nous, pourquoi pas, mais dans l’état actuel, on a un doute.

Égalité Hommes-Femmes

Puisque c’est à l’école que beaucoup se joue, il est surprenant de constater l’indifférence sur un sujet crucial.
Le Figaro revient sur le travail d’un enseignant qui réfléchit depuis des années à ce qu’il appelle la fracture sexuée. Le fait que les garçons sont des victimes indirectes de la mixité à l’école. Davantage d’échecs, davantage de violence… Les différences se concentreraient sur la période du collège, où la maturité, les références, le besoin de transgresser éloignent filles et garçons. "Pourquoi martyriser les ados au nom de la mixité ?", s’interroge une chercheuse qui constate que le sujet est tabou en France au nom de l’égalité.

Inde

A l’occasion du déplacement de François Hollande, les journaux s’intéressent ce matin à ce pays travaillé par des tensions communautaires et religieuses.
Le Parisien décrit un pays en état d’urgence, sur lequel plane la menace terroriste. Mais l’Inde connaît aussi une phase de modernisation sans précédent.
Et le journal Le Monde dresse la liste de ces bouleversements incarnés par la disparition des petits métiers qui animaient les rues. Les écrivains publics dont tout l’art consistait à trouver la formule idéale pour une lettre à l’épouse ou à l’amante. Balayés par la généralisation du portable : un milliard d’abonnés. Et puis les pleureuses, indispensables quand il était jugé inconvenant que les femmes des hautes castes expriment leur douleur lors d’un enterrement. Ces pudeurs n’ont plus cours. Les nettoyeurs d’oreilles, enfin, reconnaissables à leur turban rouge, et à leur bâton orné d’un morceau de coton, ou les parfumeurs, composant un parfum à la demande et s’insurgeant qu’on puisse utiliser des matières synthétiques. Certes, la nostalgie est aujourd’hui un crime, mais on ne peut s’empêcher de s’y laisser un peu aller.

Hollande, Sarkozy et les autres

Les deux pages se font face dans Le Figaro. Sur l’une : 2017 : Et si François Hollande n’y allait pas ? Sur l’autre : Sarkozy : une candidature "pas automatique". Pour le président de la République, Solenn de Royer nous explique qu’il ne sait plus, que tout est possible, y compris le pire, que selon un de ses proches, c’est compliqué d’aller à une élection en pensant que vous allez finir dans le déshonneur. Pour l’ancien président, on se tâte : "Je n’irai que si c’est utile bien sûr, peut-être qu’il y a encore de l’eau qui sort de la source".
Mais Le Parisien nous rappelle que les Français ne voudraient surtout pas d’une réédition de 2012. Le journal évoque surtout l’ubérisation de la politique. Et notamment à travers le site laprimaire.org qui imagine un système de crowfounding pour renouveler la classe politique et contourner le verrouillage par les partis. Et puis à la différence des chauffeurs de taxi, là, il ne s’agit pas de concurrence déloyale mais de démocratie retrouvée.

 

L'archer est un modèle pour le Sage. Quand il a manqué le milieu de la cible, il en cherche la cause en lui-même. Savez-vous de qui est cette phrase ? De Confucius. Et Nicolas Sarkozy l’a placée en épigraphe de son livre. L’allusion est subtile et ça vous pose une réflexion. Sur le site Slate, Jean-Laurent Cassely s’est amusé à regarder les épigraphes choisis par les hommes politiques pour ouvrir leurs livres. Ségolène Royal nous met Paolo Cuelo, sur la capacité du guerrier à accepter la défaite. Jean-Luc Mélenchon était plutôt sur Jean Jaurès : La nature et l’histoire malgré leur brutalité et leur férocité sont un cri d’espoir. Quant à Marine Le Pen, elle avait carrément opté pour le poète Emile Verhaeren. Et Thomas Thévenoud, se demande Jean-Laurent Cassely, ce sera Kafka, Freud ou un article du Code Fiscal ? Mais on espère que nos enfants vont lire tous ces livres politiques. Puisque c’est par la confrontation avec les grandes œuvres qu’on apprend l’empathie et la morale.