Natacha Polony, La Revue de presse 15.04.2016 1280x640 6:39
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La presse quotidienne revient ce vendredi sur l'émission Dialogue citoyen de François Hollande hier soir sur France 2.

Ce matin en Une de vos journaux, on cherche, on cherche mais il n’est pas là.
A l’exception d’une photo sur Le Figaro, accompagnée de la phrase qui restera de cette soirée : la France va mieux, pas trace de François Hollande.
Et même Le Figaro a préféré titrer sur la Grande-Bretagne : la menace du brexit se rapproche.
Libération revient sur le débat intellectuel autour de l’islamisme et de la radicalisation : la bataille du jihad.
Et L’Opinion s’intéresse à nos voisins : migrants : l’Allemagne bouscule son modèle. Avec le dessin de Kak : Angela Merkel présentant le projet de cours d’Allemand et d’orientation des nouveaux venus : "Et les formations visent à faire entrer les migrants dans l’emploi", explique-t-elle à François Hollande, qui réplique : "vraiment ? Chez nous, elles visent à faire sortir les chômeurs des statistiques".

Hollande

C’est dans les pages intérieures qu’il faut aller chercher les réactions. Notamment dans Le Parisien avec ce titre sévère : face aux Français, Hollande ronronne. Ce n’est pas que les commentaires soient particulièrement ravageurs. Beaucoup reconnaissent que le président s’est défendu pied à pied, mais on sent une forme de lassitude. "C’est l’image d’un président qui n’est plus audible, résume Yann Mareck dans Le Midi Libre. On l’entend mais on ne l’écoute plus". Ou plutôt, comme le précise Michaël Tassart dans Le Courrier Picard, "les Français l’écoutent désormais à l’aune des reculades qui ont plombé son quinquennat". La fameuse phrase qui restera comme l’incarnation de cette méthode Coué si chère au président, est reprise en Une du Huffington Post : ça va mieux… surtout en le disant. Mais pour le reste, le faible nombre des commentaires, même sur les sites d’informations qui pourtant n’ont pas les problèmes de bouclage des journaux papier, nous raconte l’indifférence généralisée. Il y aurait presque plus de commentaires sur les dernières facéties d’Emmanuel Macron. Tout le monde a retenu la phrase en forme d’avertissement de François Hollande : "il sait ce qu’il me doit". Mais tout le monde a surtout noté sa réponse depuis Londres à la question de savoir s’il pouvait affirmer qu’il ne serait pas candidat en 2017 : non. En Une du Parisien, on trouve un commentaire sur ce lancement de campagne dans Paris Match : c’est ça, la nouvelle politique ? Les Français, nous disent les commentateurs, attendent déjà l’après Hollande. Encore faudrait-il qu’il ait l’air exaltant.

BCE et politique monétaire

Il y a un sujet finalement bien plus crucial en Une du Monde, même s’il est un peu plus austère : BCE : la colère des épargnants allemands. La politique menée par Mario Dragui qui consiste à baisser les taux d’intérêts jusqu’à atteindre des taux négatifs est contestée, et pas seulement outre-Rhin. Certains l’accusent même, en fragilisant les épargnants, d’avoir fait monter l’extrême droite allemande bien plus que la crise des réfugiés. Parce que pour les retraités allemands, le véritable enjeu, c’est celui-là. Alors le journal publie une tribune de sept économistes allemands qui soutiennent Mario Dragui et qui critiquent un pays incapable d’investir dans les infrastructures et l’éducation. L’Allemagne, disent-ils, épargne aujourd’hui aux dépens de l’avenir. Mais Libération explique que la politique de la BCE échoue à relancer l’économie au point qu’on en serait à envisager la monnaie hélicoptère : traduction : on distribue de l’argent aux consommateurs comme si on le larguait d’un hélicoptère pour palier l’incapacité des banques à faire vivre l’économie réelle à travers le crédit. Comment en arrive-t-on là ? La défiance est telle que tout le monde a peur. Les banques, les consommateurs, l’Europe a peur de l’avenir. Et pendant que tout est paralysé, seuls les marchés financiers profitent de la circulation d’argent.

Bombe génétique

Vous avez tous vu ces James Bond dans lesquels un méchant groupe terrorise s’empare d’une bombe atomique. Le site Atlantico nous en propose une variante. Vous vous souvenez de ce nom bizarre : CRISPR/Cas9. Cet outil qui permet de découper des séquences ADN pour modifier le génome. La microbiologiste à l’origine de cette découverte s’inquiète de l’absence de réflexion éthique de la part des scientifiques. Car l’outil est tellement révolutionnaire qu’on peut imaginer à terme un usage domestique. Des particuliers bidouillant les gênes de plantes ou d’insectes chez eux.  Et pourquoi pas un groupe terroriste s’en emparant ? Il appartient aux politiques d’anticiper, c’est-à-dire de réfléchir en-dehors de la pression des lobbies. Parce que la vraie révolution du XXIe siècle est là.

La nourriture pour sauver le monde

C’est le magazine Society qui décide de nous mettre de bonne humeur avec ce titre : la bouffe peut-elle sauver le monde ? D’abord parce que la meilleure façon de faire de la diplomatie, c’est autour d’un bon repas. Ce fut d’ailleurs la grandeur de la France et le génie de Talleyrand. Mais le journal nous raconte comment une Israélienne, de confession musulmane, a remporté le Master Chef israélien grâce à ses spécialités arabes. Un trait d’union bien plus puissant que tous les processus de paix. "Je crois à la puissance de la cuisine", dit-elle. Tu prends une famille juive ou arabe où tous les membres sont toujours en train de s’embrouiller, ils vont quand même venir dîner chez la mère. Parce que le repas de famille c’est toujours un armistice provisoire. Alors elle donne des cours de cuisine. Malgré l’atmosphère de guerre, malgré les bombardements. Pour transmettre une culture, pour lutter contre la junk food qui gagne du terrain chez les jeunes, et parce qu’à table on se réconcilie.

 

Il y a de quoi lire ce mois-ci dans G.Q. et c’est plutôt varié. Une reconstitution minutieuse de l’enquête sur le mystérieux crash qui a coûté la vie à Christophe de Marjorie, le patron de Total sur un aéroport russe. Mais il y a aussi la chronique féminine du magazine. Et ce mois-ci, il y est question d’un privilège masculin, la possibilité d’exhiber ce qu’on appelle le sourire du plombier. Vous savez, quand un homme s’accroupit, de dos, avec son pantalon taille basse. Parce qu’il y a là, dit-elle, une insouciance que les femmes ne peuvent pas se permettre. Personne ne croirait à leur innocence. "J’envie l’idée que si l’homme a oublié sa raie, c’est qu’il pense à autre chose, peut-être à Kant, peut-être à de la poésie". Elle demande, donc, à ce qu’on ne normalise surtout pas, à coup d’épilation hygiéniste, cette marque de l’insouciance. Messieurs, face à l’économie en berne, au terrorisme génétique, aux émissions présidentielles consternantes, vous pouvez passer la nuit debout, ou choisir l’insouciance accroupie. En rêvant de poésie.