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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Dans la presse ce matin, clap d’ouverture pour le festival de Cannes sur fond d’affaire Weinstein

"L’après Weinstein", en Une des Derrières Nouvelles d’Alsace, du Dauphiné et de l’Alsace qui publie une photo de l’actrice Cate Blanchett, présidente d’un jury paritaire : "Cannes défend la cause des femmes", titre le journal. "Les femmes présentes en force", d’après le Télégramme, "Canne, tout feu, tout femmes", pour Nice-Matin. Sauf qu’en réalité, comme le résume la Une du Figaro, "Cannes veut surtout tourner la page". "Les organisateurs font tout pour que l’affaire ne soit pas trop présente", note également le Parisien qui ironise : "l’affaire Weinstein ? Mais quelle affaire Weinstein ?" : "sur 21 films en compétition, seuls trois sont signés par des réalisatrices. Proposer une sélection paritaire aurait été un message fort, mais voilà, le patron de Cannes, Thierry Frémaux l’a dit lui-même, hors de question d’instaurer des quotas ou de la discrimination positive," Et le Parisien de soupçonner les organisateurs de vouloir mettre le débat sous le tapis, notant que "contrairement aux Golden Globes où les vêtements noirs étaient de rigueur et aux Césars où les artistes portaient un ruban blanc, à Cannes, aucun mot d’ordre n’a été donné". Un festival pas spécialement féministe, mais, en revanche très politique : c’est l’angle retenu par Libération qui souligne plusieurs films frappés par la censure en Russie, en Iran, ou encore au Kenya, seront projetés lors du festival. Deux prétendants à la palme, considérés comme dissidents dans leur pays, seront d’ailleurs absents. De quoi faire dire à Libération que "l’institution semble renouer avec l’époque où elle a servi de refuge aux auteurs dont la liberté était plus ou moins entamée".

"Un ton plus politique" donc, c’est ce que note également Le Monde qui y consacre un supplément de 8 pages.

Avec cette interview de Vincent Lindon, l’acteur qui avait remporté le prix d’interprétation il y a trois ans avec le film "la loi du marché", et qui joue cette année dans un autre film, du même réalisateur, Stéphane Brisé, "En guerre", où il incarne un dirigeant syndicaliste. Le journaliste Thomas Sotinel l’a interrogé le 1er mai dernier, place de la République à Paris : "alors que les cortèges syndicaux se forment à une centaine de mètres, écrit-il, Vincent Lindon me parle de son personnage, un ouvrier devenu figure publique pour tenter d’empêcher la fermeture de son usine, il explique aussi que des scénarios, il en refuse à la pelle, parce que "je suis obligé d’épouser la cause", dit-il" "Est-ce qu’un film doit servir à quelque chose, lui demande Le Monde.
"Oui, répond Lindon, tout est politique. Les objets qui ne servent à rien ne m’intéressent pas, donc j’essaye d’être dans des films qui servent un peu. Je n’ai pas la prétention de changer le monde, mais si ce film peut faire voir les choses autrement aux gens qui ne savent pas qu’on peut fermer une usine bénéficiaire, ou qui pensent qu’un patron ne peut pas fermer son entreprise quand il le veut, eh bien, ce film servira un peu." Entretien "poing levé", à lire donc dans le supplément Cannes, du journal le Monde.

Et puis, cette fois le film n’a pas encore commencé qu’on connait déjà la fin : on parle de la finale de la coupe de France Les Herbiers – PSG.

Comme le résume Ouest-France : "ce soir, les Vendéens tentent l’impossible". Et effectivement, à lire vos journaux, personne ne croit à une victoire du petit club sur le géant.
Dans l’Equipe, Thomas Doucet donne quand même quelques conseils pour éviter de subir "une défaite historique, un coup de désherbant", dit-il. "Gagner du temps, jouer la montre, construire un mur en défense, et jouer au ballon en attaque, autrement dit, ne pas le lâcher le peu de fois où on l’a." Que du basique, hein. Mais "quoi qu’il arrive, conclu le journal, défaite ou pas, les Herbiers ont déjà gagné leur coupe de France."  L’Equipe dont les supporters vendéens font la Une sous ce titre : "la fête à Paris". Enfin, dans le Parisien, il y a cette lettre adressée aux joueurs des Herbiers et signée Jean-René Bernaudeau, pour ceux d’entre vous qui ne suivent pas le Tour de France, c’est le manager, vendéen, de l’équipe cycliste Direct Energie: "Un miracle est toujours possible dans le sport, écrit-il, mais je ne suis pas fou. Personne ne vous demande de gagner, en revanche tous les vendéens veulent que vous savouriez votre chance : pensez à votre famille, pensez à notre région, nous sommes une terre de dynamisme ! Les Herbiers, c’est la ville de France où le taux de chômage est le plus bas.
Pensez aussi à Thomas Voeckler qui a couru le Tour de France malgré la domination de Lance Armstrong. Il a cru en ses rêves, croyez aux vôtres. N’ayez pas peur." C’est trop ? C’est survendu ? C’est ridicule d’exagération ? Oui, absolument ! Mais disons que ça a le mérite de faire oublier, au moins à ceux qui suivent le foot, les petits tracas du quotidien, voire la déprime.

Et oui, car c’est le Monde qui nous l’apprend : la France est un pays de pessimistes.

Conclusion d’une étude menée par le Cepremap, le Centre pour la recherche économique et ses applications, qui s’appuient sur de nombreux sondages et travaux de l’Insee.
Premier enseignement : "la France est championne d’Europe du mal-être, une situation qui s’est aggravée depuis le début des années 2000. Deuxièmement, cette situation cache un clivage considérable entre bonheur individuel, et bonheur collectif, le Français est pessimiste sur le monde à venir mais optimiste sur sa situation personnelle. Enfin, troisième caractéristique française : une défiance absolue vis-à-vis des institutions, plus de 80% des français n’ont pas confiance dans les politiques, ni même dans la justice (on pourrait rajouter les médias)." Avec ça, les chercheurs constatent une "forte nostalgie", mais aussi une "prépondérance accordée à l’argent comme moyen du bien-être". "La France, pays pourtant distributif et relativement égalitaire, est aussi celui d’Europe où les citoyens attachent le plus d’importance à l’argent comme condition de leur bonheur." Ça donne à réfléchir sur notre époque, nos attentes, nos craintes.

Du coup, j’ai ouvert la revue In The Moment, bimestriel de développement personnel dont la ligne éditoriale est justement la quête du bien-être. Et le conseil que vous donne le dernier numéro, eh bien c’est que le bonheur passe par le fait de "saisir les petits instants magiques de votre vie", autrement dit, de les immortaliser en faisant un film. "Pas besoin d’exercer vos talents à Hollywood, explique le magazine, un smartphone ou une tablette suffisent. Rien qu’en tournant ces images, vous verrez tout sous un nouveau jour, vous remarquerez de petits détails et vivrez chaque expérience avec plus d’intensité."
"Parce que les films peuvent débloquer en nous des choses qui, sans cela, resteraient peut-être enfouies à jamais", conclu une psychologue. Voilà, où l’on en revient à Cannes, au cinéma des dissidents Iranien et Kenyans, aux luttes syndicales chères à Vincent Lindon, ou encore au mouvement #MeToo et la lutte contre le harcèlement.