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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Dans la presse ce matin, lundi de Pentecôte oblige, on parle beaucoup de solidarité.

En Une de la Dépêche du Midi cette question : "lundi férié ou solidaire ?".
C’est qu’on ne sait plus vraiment, alors le Huffington Post vous propose de faire le point : "qu’est ce qui est ouvert et qu’est ce qui est fermé". Les bureaux de Poste, par exemple : fermés.
Même chose (pour ceux qui auraient encore un doute) pour les écoles, les services municipaux, bibliothèques, bureaux de la CAF, de la Sécurité sociale et de Pôle Emploi". Et puis Presse Océan vous explique "à qui bénéficie cette journée de solidarité", en listant les projets concrets  de prise en charge des personnes âgées dépendantes qu’elle permet de financer en Loire-Atlantique. Mais ce qui ressort surtout, c’est que le système est à bout de souffle : 2,4 milliards d’euros récoltés pour une dépense publique qui s’élève à 24 milliards d’euros.
D’où le titre de Une de Midi Libre, "pour plus de solidarité, doit-on décréter un second jour ?".
"Non", répond Pascal Champvert, qui dirige lui-même plusieurs maisons de retraite, "cette piste d’une deuxième journée de solidarité n’est pas la seule, il y en a d’autres, dit-il, par exemple une taxe sur les successions. Il faut tout étudier et surtout choisir celles qui seront acceptées par une majorité de Français". "Quelle que soit la méthode retenue, résume Olivier Biscaye dans son édito, elle ça va s’ajouter à bien d’autres contributions qui suscite déjà des colères. Mais l’enjeu en vaut la peine, c’est une question d’avenir, conclue Midi Libre, de responsabilité, de valeurs humaines aussi qui nous engagent tous".

En attendant, pour plusieurs journaux, ce lundi de Pentecôte est un jour chômé.

Vous ne trouverez pas en kiosque ni Les Échos, ni le quotidien l’Opinion, ni La Croix ou encore L’Humanité.

Pas de répit en revanche pour Le Figaro fait sa Une sur l’Italie et l’alliance entre la Ligue d’extrême droite et le mouvement 5 étoiles : "cette coalition anti-système qui alarme l’Europe", titre le journal. Le Parisien, lui, remet une pièce dans la machine "Notre-Dame-Des-Landes", avec une enquête sur le cout de l’abandon du projet d’aéroport. Et puis, on parlait de solidarité, eh bien Libération s’attaque ce matin à ce qui incarne peut-être le mieux le mot : les organisations humanitaires et c’est loin d’être reluisant.
"Prostitution, viols, agression : abus sans frontière", titre le journal.
Le scandale est parti d’Oxfam qui a reconnu de nombreux cas de recours à la prostitution en Haïti, mais à lire Libération, on comprend que l’ONG est loin d’être la seule concernée :
"Sophie, par exemple, humanitaire américaine, décrit ces collègues qui font venir des prostituées dans leurs chambre sur leur zone d’intervention, parfois sans les payer, "plusieurs cas ont été rapportés à nos supérieurs, dit-elle, mais il n’y a jamais eu aucune sanction".
Et c’est précisément le scandale dans le scandale : certaines organisations reconnaissent recevoir régulièrement des signalements : 18 en quatre ans pour l’ONG Solidarités, 24 en un an pour Médecin Sans Frontières, huit pour l’ONG Care. La Croix Rouge explique avoir justement licencié un salarié l’année dernière, mais souvent, les agresseurs sont simplement mutés.
"C’est un problème de culture collective, où les rapports de domination prévalent", résume une humanitaire. Des prédateurs sexuels profitent du fait "que ces populations sont démunies, écrit Alexandra Schwartzbrod dans son édito, elles n’ont aucun moyen de résister à un abus, encore moins de porter plainte dans des pays où l’État de droit n’est qu’un lointain souvenir.
Cela nous confirme encore une fois qu’aucun secteur n’est exempt de scandales de harcèlement, voire de viols. (…) Mais le point positif, conclue-t-elle, c’est que la parole se libère, et que désormais on ne ferme plus les yeux". Enquête d’Aude Massiot sur "le fléau des sexpat" à lire donc dans Libération.

Et puis, l’autre titre ce matin, c’est la déclaration de Bruno Le Maire hier sur Europe 1 qui remet en question la politique de solidarité.

"Nous pensons, a expliqué le ministre de l’économie, que nous ne sommes pas condamnés à compenser les inégalités par toujours plus de dépense publique et donc toujours plus d’impôts pour le contribuable". Traduction en Une du cahier Eco du Figaro : "Bercy étudie une baisse des aides sociales". La dépense publique serait trop gargantuesque ? Le chômage trop cher ?
Dans l’édito de La Vie, Jean-Claude Guillebaud fustige les "éléments de langage" et  "l’effet ritournelle qui devient comique" : "d’autant que l’emploi n’est pas la solution à tout : des centaines de milliers d’emplois ont été créés, dit-il, mais beaucoup sont précaires, à temps partiel, à durée indéterminée et sous-payés". "En s’attaquant au périmètre des prestations sociales, ajoute Dominique Garraud dans la Charente Libre, Emmanuel Macron conforte une image de technocrate libéral que ne compensent pas les promesses répétées d’un monde plus protecteurs pour les plus démunis". Autant dire qu’entre les sujets sur la dépendance des personnes âgées, ceux sur la baisse des aides sociales et les autres sur les jobs mal payés, y’a pas grand-chose dans la presse pour faire positiver les "jeunes actifs".

Justement, le magazine Society s’intéresse à eux, et précisément à ceux qui ont décidé d’arrêter de travailler.

"Prends l’oseille et tire toi", c’est le titre de l’enquête de Lucas Mini Sini qui a enquêté sur cette nouvelle tendance aux États-Unis : des vingtenaires bardés de diplômes qui se "fixent pour objectif d’accumuler le plus d’argent possible en un minimum de temps pour partir à la retraite aux alentours de 30 ans. C’est ce qu’a fait Jérémy, ex-ingénieur chez Microsoft, installé sur une île aux Philippine.  Russel, 21 ans, met tout ce qu’il gagne de côté pour s’arrêter dans 10 ans.
Même méthode pour Emma, 26 ans.
Et ils ne sont pas seuls : "sur le réseau social Reddit, plus de 400.000 personnes s’échangent chaque jours des conseils sur la meilleure façon de prendre sa retraite à 30".
Rien de mystérieux dans leurs motivations, explique Vicky Robin, auteure d’un livre sur le sujet : "personne n’a fondamentalement envie de se lever le matin pour aller s’assoir dans un open space les yeux rivés à un écran toute la journée, ce qu’ils veulent c’est se libérer de la société de consommation, dit-elle, et d’un job qui les aspire tout entier".

C’est beau, c’est tentant, mais parmi le petit nombre de ceux qui y parvienne, écrit Society, certains finissent par subir "des crises existentielles : perte de leur statut social, solitude, ennui, beaucoup de trentenaires retraités dépriment". Et oui, entre trop ou rien, pas facile de trouver le juste milieu.

Il y a pourtant des pistes, comme cette initiative, dénichée par Sud-Ouest : portrait de trois trentenaires qui ont ouvert un espace de "no working", dédié aux vrais retraités de plus de 55 ans à Bordeaux. Tablettes, casques de réalités virtuelles, espace fitness, mais aussi canapés et cuisine américaine pour faire des rencontres, "parce que le meilleur moyen de lutter contre la dépendance, explique le patron Benjamin Patat, c’est de maintenir un lien social : si l’on s’isole, on se renferme, et ce, quel que soit l’âge". C’est à lire dans Sud-Ouest et l’article s’intitule "vivons heureux avant d’être vieux". On a envie de dire vivons heureux jeunes et vieux, ça doit bien être possible.