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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Dans la presse ce matin, du bleu, du blanc et deux lettres : "OM" évidemment.

Oui, tout le monde s’y colle, tenez : l’OM en Une du Parisien, c’est rare, mais voilà, c’est une réalité, "parce que de Bordeaux à Nice, de Montpellier à Lille, de Guingamp à Strasbourg, la France du football sera derrière Marseille, pour l’aider à distance, dans son appétit de gloire et son rêve d’éternité. Telle est la magie, écrit Harold Marchetti, la magie de la Ligue Europa".

Autant vous le dire d’entrée : tout ce que vous lirez ce matin est écrit sur le même ton. Evidemment La Provence, qui en est à sa troisième Une d’affilé sur sujet : 21 pages spéciales et ce titre : "tous avec nos héros", photomontage des joueurs olympiens planant au-dessus de la planète Terre. France Football, 24 pages. L’Equipe, 17 pages et la petite pub Ricard placée en Une, juste en dessous du portrait des marseillais avec ce slogan opportun "la touche finale".

Et puis, les Unes du Dauphiné Libéré, de Var-Matin, 20 Minutes, la Marseillaise, Le Maine Libre ou encore la Nouvelle République. Quand je vous dis "tout le monde", c’est que même les Echos y vont de leur touche bleu et blanc : interview de Franc Mc court, propriétaire de l’OM interrogé sur l’angle investissements et stratégie financière : "Marseille, c’est l’histoire de David contre Goliath, dit-il, Marseille, c’est une question de volonté, de détermination, de cœur, et l’argent n’achète pas le cœur."

Enfin, il y cette Une de Libération sur "le match dans le match". Celui de Macron et Mélenchon, nous dit le journal, qui soutiendront tous deux les marseillais. "l’OM, c’est moi", titre Libé, sous un curieux photomontage où l’on a collé la tête d’Emmanuel Macron sur le corps de Florian Thauvin et celle de Jean-Luc Mélenchon sur Maxime Lopez. Portrait de ces supporters à l’enthousiasme très politique : un Insoumis fraîchement converti, puisque jusqu’à présent il n’a jamais caché son aversion pour ce sport "gorgé d’argent et opium du peuple". Et un président qui clame son amour de l’OM depuis 2016 mais qui, d’après l’un de ses camarades de l’ENA "n’avait jamais parlé de l’OM, il préférait, dit-il, la philosophie et Paul Ricœur".
Commentaire de Gilles Vervish, philosophe spécialiste ès football toujours dans Libération : "les politiques attrapent le ballon au vol pour gouter à la ferveur populaire, sachant qu’avec le football, dit-il, on peut avoir le sentiment de vivre des victoires, même si c’est par procuration". Ce serait donc ça, à vérifier donc ce soir, à partir de 20h50.

L’autre titre ce matin, c’est la marche blanche en mémoire de Naomi, prévue cet après-midi à Strasbourg.

"Un hommage et un message", titrent les Dernières Nouvelles d’Alsace et le message que veut passer la famille de Naomi, c’est qu’un "tel drame ne doit plus jamais se reproduire". Sauf qu’à lire la presse, on se dit, qu’il y a du chemin. Depuis une semaine, chaque journal, dans chaque région, publie ses témoignages.
L’Est Républicain, ce matin, donne la parole à William Petitdemange : "ma femme Mauricette ne se levait plus, dit-il, donc j’ai aussitôt appelé le 15 mais la dame ne m’a pas laissé lui expliquer la situation, elle m’a dit que les pompiers n’étaient là pour aider les gens à aller pisser". Sa femme Mauricette, 84 ans, est décédé quelques heures plus tard. "Ce n’est sans doute pas pour ça qu’elle est morte, elle était atteinte d’Alzeimer, dit-il, mais j’aurais aimé qu’on m’écoute lorsque j’ai appelé au secours."
Même chose pour Charlotte, 25 ans, qui dit n’avoir "pas été prise au sérieux par l’opératrice" alors qu’elle subissait une hémorragie du poumon.
Sur le site du JDD, une femme explique qu’elle s’est fait traiter "de mère hystérique" alors que son fils, nouveau-né souffrait de graves douleurs.

Et puis, autre témoignage sur le Bondy Blog cette fois, celui de Camille qui a travaillé plusieurs mois dans un centre d’appel d’urgence et qui voit dans le cas de Naomi une autre dimension, "la dimension raciste, dit-elle, le nier c’est passer à côté du problème". Elle raconte, cette formatrice qui lui apprend à faire le tri dans les appels parce que "certaines catégories de population ont tendance à dramatiser, les gens du sud, les gens du Maghreb", il y a aussi ces collègues qui parlent régulièrement du "syndrome méditerranéen", ces gens qui exagèrent, "tu sais comment ils sont", ou encore "ça c’est bien les Arabes, râler pour une égratignure".

Une pluie de témoignages accablants, qui rapportent tous la même mécanique : d’un côté, ceux qui ont le savoir médical, et donc le pouvoir de décider qui est malade ou non, et de l’autre, ceux qui souffrent, mais qui, ignorants des choses de la médecine, dépendent du verdict des premiers. A noter, le dossier du Parisien ce matin, qui nous dit qu’il y a aussi beaucoup de violence dans l’autre sens puisque 1.500 caméras vont être installée dans les hôpitaux parisiens : objectif, lutter contre les menaces et parfois les coups que reçoivent de plus en plus de personnels soignants de la part de patients.

La violence qui fait aussi la Une concernant un tout autre titre : l’homophobie, qui aurait augmenté en 2017.

C’est la conclusion du rapport de l’association SOS Homophobie, le nombre d’agression physique déclarée est en hausse de 15% par rapport à 2016. Article à lire dans Le Monde : En 2017, 1026 crimes et délits à caractère homophobes ont été enregistré, ce sont les chiffres rendus publics par la délégation interministériels à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. Le Monde qui publie le témoignage glaçant de Jean-Paul, 54 ans : "c’était à Montparnasse, aux alentours de minuit, en attendant le bus, j’ai posé la tête sur l’épaule de mon ami, un passant nous a lancé "c’est dégueulasse, bande de pédé", l’insulte dégénère en déchaînement de violence, écrit le journal, Jean-Paul valse sur le capot d’une voiture puis passe par-dessus une balustrade, son ami manque de perdre un œil, 10 jours d’ITT et surtout la solitude totale.

"Pendant la vingtaine de minutes qu’a duré l’agression, écrit Gaëlle Dupont, personne n’est venu en aide au couple, ni les passagers descendant du bus, ni le conducteur, ni l’épicier qui leur a fermé la porte, ni les clients d’un restaurant tout proche. Et Jean-Paul est loin d’être seul. Témoignages également dans Libération :
Chloé et Mathilde, insultées et frappées en plein Paris parce que lesbiennes. Nicolas, 30 ans, passé à tabac à Dieppe. Bertrand, 47 ans, transgenre et traité, entre autre joyeuseté, de malade mental.

"Une litanie de récits de ce type qui pourrait se poursuivre jusqu’à l’écœurement, écrit le journal, tout ça dans une France qui, pourtant, célèbre cette année les cinq ans du mariage pour tous."

Enfin, le visage du jour on en parlait à 8h avec Nicolas Carreau, c’est celui de Tom Wolfe.

Oui, l’auteur américain du bestseller "le Bucher des vanités". Un homme particulièrement mis à l’honneur par le groupe Le Figaro : En dernière page du Figaro et Vous, Bruno Corty salue "un dandy des lettres américaines", sur le site figaro.fr, ça devient "dandy de grand chemin", et sur Le Figaro Vox, un "dandy réac", sous la plume d’Alexandre Devecchio qui l’avait interviewé en décembre dernier pour le Figaro Magazine. A noter également MadameFigaro qui ressort une autre interview de Wolfe, "dandy de la littérature américaine".

Et puis il y a ce portrait daté de 1988 que republie LeMonde.fr, "dandy mais pas gentleman". Marie-Claude Decamps y dépeignait "un type qui se vante, solitaire", fustigeant "la religion de l’art", "le snobisme en général", le politiquement correct, les gauchistes dorés de Park Avenue et le Black power sur canapé. Tout à la fois "ami de Donald Trump" et thuriféraire d’Emile Zola. "Dandy conservateur", dit encore Laurent Joffrin dans Libération notant que, de Zola il avait la méthode, certes, mais qu’il était quand même loin de "l’ambition novatrice de son maître. Il ne laissera pas une trace majeure dans la littérature américaine, conclu le journal, mais il aura distrait par ses romans des millions de lecteurs."
Certes, et puis pour nous, journalistes, quoi qu’on en pense, il laisse quand même une philosophie, celle du "new journalism", le nouveau journalisme, celui qui ne croyait qu’au terrain, et à l’immersion pour donner à voir l’époque, ses traumas et son état d’esprit. Si je ne m’abuse, c’est toujours d’actualité.