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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Jiliali, 65 ans, mort le 1er janvier à Nice.
Antoine, 40 ans, le 2 janvier à Villeneuve-la-Garenne.
Estelle, âge inconnu, en janvier à Strasbourg.
Aude, 31 ans, en mai à Reims.
Un homme, non identifié, 52 ans, le 17 juin à Marseille.
Florian, 19 ans, le 18 aout à Toulouse.
Patrick, dit "le rasta", 49 ans, en janvier à Paris.
Un enfant, un an et demi, le 14 février à Lunel.
Aboubakar, deux mois, le 11 octobre à Paris.

Voilà, quelques-unes des 510 personnes mortes dans la rue en 2017. C’est neuf de plus qu’en 2016 et c’est le journal La Croix qui en publie la liste.
Une liste non-exhaustive élaborée par le collectif "Les Morts de la rue".

"Chacune de ces personnes est morte sur la voie publique, dans des abris de fortune, des parkings, des cages d’escalier, des cabanes de chantier ou encore dans le métro.
En interpellant la société et en honorant ces morts, conclu le texte du collectif, nous agissons pour les vivants".

Une liste de quatre pages, publiée dans La Croix et dont les noms seront lus cet après-midi à l’hôtel de ville de Paris à 17 heures.

La mort dans la rue et la mort aussi à l’hôpital, faute d’une prise en charge assez rapide, c’est ce qui arrive de plus en plus souvent : cri d’alarme ce matin en couverture de L’Express.

Avec ce titre : "SOS hôpitaux en détresse". Le magazine publie les extraits d’un livre qui dénonce "la politique du chiffre, le harcèlement, et surtout la mise en danger des patients : comment en est-on arrivé là ?"

Les réponses des soignants sont sans appel : "les hôpitaux sont pris dans une course à l’acte sans fin, explique le Professeur André Grimaldi, les moyens ne suivent pas et le système est à bout de souffle".
Du CHU de Nantes à celui de Grenoble, les médecins racontent tous la même chose : "une gouvernance toxique, des personnels en souffrance, et l’échec total d’une stratégie exclusivement financière", ce que l’Express appelle « la spirale infernale du "faire toujours plus, avec toujours moins".

Le malaise à l’hôpital qu’on retrouve aussi en Une de la Dépêche du Midi, de Nice-Matin et de Médiapart, le site d’information publie une longue enquête sur les disfonctionnements en cascade au CHU de Toulouse.
Ça va de la coupure d’électricité inopinée au bloc en pleine opération à la peinture du plafond qui tombe sur les patients, sans compter les chiffres du quotidien, comme ce matin de septembre où 2 infirmières se sont partagé 26 malades.

Dans Siné Hebdo, l’urgentiste Patrick Pelloux raconte la mort "d’une dame, elle avait 70 ans, elle est restée trois jours sur un brancard au service d’urgence d’un hôpital de province", pas de lits, pas assez de personnel. "Elle et morte. Et tout le monde s’en fout".
"En trente ans, je n’ai jamais entendu parler d’autre chose que de restrictions budgétaire, écrit-il, (…) Or l’hôpital n’est pas un simple objet économique, c’est l’un des fondements du socle social, c’est "l’assistance publique" (…) Alors pourquoi cassent-ils le système de santé ?".

Telle est la question.

Une question qui répond indirectement à celle posée en Une de La Croix.

Oui, "Les services publics sont-ils menacés ?".
On parle de la SNCF bien sûr, mais comme dit le journal, "ce mouvement de grève s’inscrit dans un débat bien plus large, du ramassage des déchets à l’hôpital, l’université ou encore l’énergie".

Dans ce contexte, certains éditos dissonent bizarrement, comme celui de Jean-Francis Pécresse dans les Échos qui fustige "l’abus du droit de grève" et l’atteinte à "une liberté élémentaire, celle d’aller travailler".
Ou celui de Nicolas Beytout dans l’Opinion, transfiguré en sans-culotte réclamant l’abolition "des privilèges" et dénonçant "l’aristocratie du rail".

Non, il ne parle pas des 52.000 euros de salaire mensuel que touchait la ministre Florence Parly lorsqu’elle était à la SNCF mais des cheminots, 3.100 euros maximum pour les mieux lotis en fin de carrière, ces détenteurs, écrit-il, "d’avantages particuliers que les autres n’ont pas", "les agriculteurs, par exemple, ont des contraintes plus lourdes et des protections plus fragiles". 

Oui. Sauf qu’avec un raisonnement comme ça, "on est tous le privilégié de quelqu’un, répond Maurice Bontinck dans la Charente Libre, le cheminot contre l’usager, le retraité face au salarié trop imposé, le chômeur face au smicard, ou encore le SDF face au migrant. Comme si chacun vivait dans un vase clos, selon ses propres lois, dit-il, et surtout au dépend des autres".

Allé, comme dit le titre de Une du Bien Public, "plus que 35 jours !", 35 jours de grève et avec eux de bras de fer sémantique.

A signaler, puisqu’on parle "transports", le hors-série de Courrier International et My Little Paris sur les grandes villes du monde.
Reportage notamment sur "le train-train d’enfer des japonais" : le journaliste Masaki Kubota raconte la saturation des transports en commun à Tokyo, où les usagers préfèrent se tasser et risquer le malaise que d’arriver une minute en retard au travail. "Et ce, précise le journal, même en temps de grève".

Enfin, le visage qu’on retrouve ce matin dans beaucoup de journaux, c’est celui de Martin Luther King, assassiné à Memphis il y a 50 ans.

Oui, L’Humanité propose par exemple un supplément retraçant sa vie et ses combats, Le Nouveau Magazine Littéraire revient sur l’héritage intellectuel qu’il a laissé et fait le parallèle avec le succès rencontré aux États-Unis par le film de Raoul Peck "I am not your Negro".

Et puis enquête dans Les Échos sur ce qui a changé en 50 ans pour les afro-américains sur le plan économique et social.

Constat sans appel, écrit Dylan McClain : "nombres d’inégalités persistent avec les Blancs".
Certes le taux de pauvreté des Noirs américains a baissé depuis 1968, passant de 34% à 22, mais il est toujours nettement au-dessus de la moyenne de population, et surtout loin de celle des Blancs, à 11%.
Concernant le revenu médian des ménages, le graphique des Échos montre bien une hausse depuis 68, mais celle des Blancs a augmenté d’autant.
Même courbes ascendantes parfaitement parallèles pour l’espérance de vie : en moyenne, un citoyen américain Noir vit 4 ans de moins qu’un citoyen Blanc.

Enfin, dans le Figaro, reportage à Memphis, dans le Tennessee, où, 50 ans après, la ville a enfin décidé d’allouer une prime aux éboueurs grévistes de 1968, ceux-là même que Martin Luther King était venu soutenir avant de recevoir la balle fatale, "il a fallu du temps, concède le maire, mais voilà, ils sont enfin traités comme les autres employés de la ville".
Un reportage à lire donc dans Le Figaro, et qui se termine sur cette citation du docteur King : "Si vous ne pouvez-vous voler, courrez, si vous ne pouvez courir, marchez, si vous ne pouvez marcher, rampez, mais quoi qu’il arrive, disait-il, continuez d’avancer".