6:19
  • Copié

Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Dans la presse ce matin, le plan du gouvernement pour lutter contre la haine.

"Sur le net et ailleurs, titre la Nouvelle République, il faut éradiquer le racisme". "La France veut nettoyer le net et déconnecter la cyber-haine", titre également Sud-Ouest. "Pourquoi tant de haine ?", s’interroge la Dépêche du Midi. Question urgente, "parce que pour l’instant, rien n’y a fait, note Patrice Chabanet dans le Journal de la Haute Marne, le premier plan contre le racisme et l’antisémitisme présenté en 2015 n’a pas fait refluer les torrents de boue, ces agressions, à longueur de messages fielleux sur les réseaux, contre les juifs, les musulmans, les Noirs. Une grossièreté et une virulence sur internet qui ne doit pas non plus faire oublier les allusions plus subtiles, dit-il, quand certains dénoncent la mondialisation aveugle, variante du discours sur le capitalisme apatride des années 30, ou quand d’autres défendent la politique de Pétain. Ce sont ces signaux qui sont inquiétants, symptômes d’un mal plus profond encore que la bêtise crasse véhiculée sur le web".

Comment lutter contre la haine ? Le gouvernement répond par un renforcement de la loi. Mais, il y a aussi l’éducation.

Exemple avec ce reportage du New York Times publié par Libération. La journaliste Kathrin Bennhold a suivi une classe de collégiens berlinois en visite dans le camp de concentration de Sachsenhausen, une sortie organisée par leur prof d’histoire, Jakob Hetzelhein, "parce qu’à un moment donné, dit-il, lire des livres ne suffit pas, il faut ressentir".  "Quelques semaines plus tôt, en classe, un de ses élèves a été surpris en train de dessiner une croix gammée, un autre de s’amuser avec une image d’Hitler et deux jeunes réfugiés, égyptien et afghan, ont même nié l’holocauste. Dans ce collège d’un quartier populaire de Berlin, écrit la journaliste, l’antisémitisme s’est banalisé : "Juif" est devenu une insulte en vogue sur les terrains de foot". Des jeunes que la visite du camp de concentration a bouleversé, de manière inattendue, "ce n’est pas le mur d’exécution qui a glacé les élèves, ni la clôture électrifiée, ni même la description de l’odeur de la peau brulée. Ce sont les lits, les lits à échelle, dans toute leur banalité, l’horreur dans un meuble ordinaire, familier de tous les enfants". "Bien sûr il serait naïf de se dire que deux heures de visite suffisent, explique le directeur du mémorial, mais si l’on prend le temps d’expliquer, de montrer, de discuter, on peut accomplir beaucoup pour combattre la haine".

Un reportage du New York Times publié dans Libération.

Libération dont la Une affiche une tout autre préoccupation.

Photo d’un hot-dog dont la saucisse a été remplacée par une carotte avec ce titre : "Les végans se rebiffent". Dossier en forme de droit de suite, puisqu’hier après la publication d’une tribune polémique contre la "propagande végane", "le site internet de Libération a failli exploser, écrit Pierre Carey, trop de messages, de réactions, c’est chaud patate, nous dit le journal, la question, authentique enjeu de civilisation, est brûlante (…) politique et passionnée". La parole en page 5 à "l’auteur et militant Aymeric Caron", qui dénonce les clichés et mensonges véhiculés par le lobby pro-viande contre les végétariens. "Si les végans ne mangent plus d’animaux, dit-il, c’est pour des raisons éthiques. Pourquoi serions-nous autorisés à ôter inutilement la vie à des êtres sensibles, intelligents, sociaux, qui ne demandent qu’à poursuivre leur existence comme chacun d’entre nous ? Epargner des innocents ne peut pas nuire à notre humanité, conclu Caron, au contraire, c’est le seul moyen de la renforcer".  Question "brûlante" donc, face à laquelle, Laurent Joffrin dans son édito marche sur des œufs, notant que "d’un côté, il est difficile de se découvrir une culpabilité d’assassin parce qu’on porte un blouson en cuir, et de l’autre, la civilisation, qui consiste pour une bonne part à limiter l’usage de la violence, gagnerait à la limiter aussi envers les espèces qui partagent la planète avec l’humanité".

Bref, il y a débat, et ça dépasse largement les pages de Libé.

Oui, c’est aussi le thème de l’édito du dernier numéro du magazine Grand Seigneur qui prend la défense des "éleveurs consciencieux (…) contre la caste des végans". Gros dossier également dans le trimestriel Up : "animaux et nous : je t’aime moi non plus". Où l’on apprend que la meilleure preuve que l’on peut changer nos habitudes alimentaires, c’est que nos ancêtres les gaulois mangeaient du chien. En revanche, âmes véganes sensible, attention à la Une du Parisien ! Puisqu’on y voit en gros plan un jambon-beurre. Le journal propose de mesurer le niveau de vie en France en fonction de son prix de vente. Pire ! En page 26, portrait du rappeur Mokobé qui vient d’ouvrir son premier restaurant de taco, "Sur place, écrit le journal, le client choisit une, deux, trois ou quatre viandes, kebab, poulet, merguez et même cordon bleu".
Un concept qui a déjà attiré Jamel Debbouze et Pascal Obispo. Mokobé qui n’est pas le seul rappeur à tenter ce que le Parisien qualifie "d’aventure culinaire", puisque Youssoupha s’est lancé dans le hot-dog, et Snoop, aux États-Unis, présente des émissions sur l’art du poulet frit. Comme quoi, rassurons les carnivores : on est encore très loin de vivre dans un monde dominé par la "propagande végane".

Enfin, cette information en Une du Figaro : "les oiseaux disparaissent de nos campagnes".

"En quinze ans, les zones rurales ont perdu près d’un oiseau sur trois, écrit le journal. C’est la conclusion d’un rapport publié par le Muséum d’histoire naturelle et le CNRS. 34% de perdrix en moins depuis 2001, 29% pour la fauvette grise, 27 pour l’alouette ou encore 26 pour le bruant. En cause : la disparition de leur habitat, notamment les haies et les bosquets, mais aussi la disparition de leur nourriture, les insectes, dont la population s’est effondrée ces dernières années. Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS, rappelle la baisse de 75% du nombre d’insectes volants observée en trente ans dont on avait parlé beaucoup cet automne. La faute, dit-il, à l’intensification de l’agriculture. Conclusion du Figaro : "Il faut absolument que l’on se préoccupe de la biodiversité ! Qui peut rêver de territoires où l’on n’entendrait plus que le croassement des corbeaux et le roucoulement des pigeons ?".

"Le printemps risque fort d’être silencieux", prévient également le journal Le Monde sur son site. Bon, on peut trouver l’argument de la "disparition des gazouillis" dérisoire par rapport à celui de la sixième extinction de masse mais qu’importe la source de l’émotion, si ça peut convaincre in fine d’agir.