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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Dans la presse ce matin, "le choix de la force".

C’est le titre qui barre la Une de Presse Océan, le quotidien Nantais avec cette photo éloquente de Nathalie Bourreau : on y voit un paysan quinquagénaire, les bras en appui sur le bouclier d’un CRS, tentant de l’arrêter.
D’un côté, le casque, l’armure, le masque à gaz, le tonfa. De l’autre, une banale paire de bottes en caoutchouc. Pas de cagoule, pas de gant, pas d’armes. C’était hier à Notre-Dame-des-Landes.

L’exécutif a donc fait le "choix de la force", initiative saluée il faut bien le dire par la majorité de vos journaux ce matin : "Face aux zadistes, l’État affirme son autorité", titre le Figaro.
Même expression dans les Dernières Nouvelles d’Alsace et la Nouvelle République qui note que "c’est ce qui est attendu par l’opinion".
"Force reste à la loi", pour le Courier Picard.
Parce que "trop c’est trop", enchaine Midi Libre.

Bon, "2.500 gendarmes pour expulser une centaine de zadistes, voilà qui revient à utiliser un marteau-pilon pour écraser une mouche, reconnait Bruno Dive dans Sud-Ouest, mais voilà, « Macron et Philippe montrent qu’ils ne craignent ni zadistes des champs, ni gauchistes des facs, ni grévistes du rail : même pas peur !, écrit l’éditorialiste, ils sont prêts à les affronter tous".

Une brochette à laquelle l’Opinion ajoute "le retour des ultras", "ce qu’il faut craindre, explique le journal, c’est la coagulation des rages des perdants d’une époque".

Besoin de fermeté, d’autorité, de force donc contre "la rage des perdants".
Justement "les perdants du système, Macron va-t-il enfin dire ce qu’il fait pour eux ?" Interrogation d’un macroniste anonyme trouvée dans l’édito des Échos. "Ne serait-il pas temps de rééquilibrer la politique dans un sens plus social ?" C’est la thèse d’une partie de la macronie qui s’inquiète du décrochage des classes populaires dans les sondages, rapporte Cécile Cornudet.
Un décrochage pour lequel le choix de la force ne peut rien.

Et puis il n’y a pas que Notre-Dame-des-Landes, la SNCF, et les universités. Ce matin, le dossier sur lequel la parole d’Emmanuel Macron est très attendue, c’est la Syrie.

"Macron face à l’intolérable" titre Le Parisien qui s’interroge : "va-t-il frapper ? Parce que s’il est prouvé que le régime d’Assad a encore utilisé des armes chimiques, écrit le journal, le président pourrait, comme il l’a promis, déclencher l’option militaire".

"L’impunité, jusqu’où ?" demande également Libération.
En Une, cette photo d’un enfant, étendu au sol les yeux éteints : il est mort, son nez et sa bouche sont recouverts d’une épaisse mousse blanchâtre.
"Les photos qui nous parviennent sont toutes insoutenables, écrit Alexandra Schwartzbrod… Combien de Unes de la presse mondiales faudra-t-il pour convaincre les démocraties occidentales de stopper le fou de Damas ? Si la diplomatie a encore un sens, conclut-elle, c’est maintenant qu’elle doit jouer à plein".

Référence au principe de "la ligne rouge" édicté par Emmanuel Macron lui-même : toute utilisation d’armes chimiques fera l’objet "d’une riposte immédiate de la part des Français".
Sauf que la "ligne rouge, est une limite qui a ses limites", note Libération. Selon l’Élysée, "un travail intense de vérification" se poursuivait hier soir pour croiser les informations sur la nature et l’origine du gaz utilisé. On n’est jamais trop prudents.
Il faut prouver qu’il y a eu utilisation d’armes chimique, or, d’après l’Élysée, c’est compliqué. Le chlore, par exemple, c’est "volatil".
Eh oui, émettre un message de fermeté, c’est une chose.
Le problème, c’est que ça implique de fait, en cas de provocation, le "choix de la force".

Et puis, autre appel à l’attention d’Emmanuel Macron dans la presse : il concerne l’Arabie Saoudite.

Et oui puisqu’à l’occasion de la visite du prince héritier Mohamed Ben Salman, l’ONG Amnesty International se paye plusieurs pages d’encart.
Par exemple en page 13 de Libération, "Monsieur Macron, ouvrez la marche ! En Arabie Saoudite, les défenseurs des droits humains sont persécutés, dit le texte, alors manifestez-vous, demandez au prince de les respecter".
Et puis, dans le Parisien page 11, toujours Amnesty International : "Monsieur Macron, armez-vous de courage ! Le matériel militaire que la France vend à l’Arabie saoudite peut être utilisé pour tuer des civils au Yémen.  Alors oui, cessez de lui vendre des armes".

On note la prudence du communiqué et l’expression "peut être utilisé", et pour cause, comme l’explique une responsable d’Amnesty à Médiapart, "certes, les livraisons d’armes de guerres françaises vers l’Arabie connaissent une croissance exponentielle, elles sont passées de 400 millions d’euros en 2013 à un milliard en 2016, mais ! mais rien ne prouve que ces armes ont été utilisées au Yémen".

C’est un peu comme le chlore en Syrie : vérifier, c’est compliqué.
Mais, trêve d’esprit chagrin, à part l’édito de Jeanne-Emmanuelle Hutin dans Ouest-France, qui appelle à "cesser d’armer l’Arabie Saoudite", ce qui est mis en avant ce matin dans vos journaux, Le Monde, La Croix, Les Échos, c’est l’accord que doivent signer ce jour notre président et le prince pour la mise en valeur du site archéologique nabatéen d’Al Ula.
Un chantier chiffré, d’après le Monde, entre 50 et 100 milliards d’euros.

Enfin, on a commencé par Nantes, on finit par Nantes.

Oui avec ce portrait réjouissant, dans Ouest-France de Stéphanie Pageot, 46 ans, présidente des Agriculteurs Bio et productrice à Bourgneuf-en-Retz, "Aujourd’hui, le bio a décollé, les Français y consacrent huit milliards d’euros, c’est deux fois plus qu’en 2012. Mais quand elle a commencé il y a vingt ans, écrit Xavier Bonnardel, ce mode de production était regardé de travers. "Les gens pensaient qu’on y arriverait pas, dit-elle, ils nous prenaient pour des intellectuels".

Alors pendant vingt ans, elle a endossé le bleu de chauffe, écrit Ouest-France, manifestant contre les OGM, distribuant des semences paysannes, martelant de réunion en réunion qu’une agriculture sans pesticides, c’est possible, et que, oui, le bio est rentable".

Aujourd’hui, la demande dépasse l’offre. Elle livre ses produits laitiers à des supermarchés, des magasins bio, deux Amap et une cantine scolaire.
Sa prochaine bataille : faire en sorte que "les industriels ne transforment pas le bio en bulle marketing". "Je suis naturellement convaincue de la nécessité de travailler avec le vivant, et pas contre lui", dit-elle.
Sur la photo Stéphanie Pageot patauge dans la boue du bocage, tout sourire avec ses vaches en arrière-plan.
Illustration de la force d’un choix, définitivement plus inspirant que le "choix de la force".