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Le Brexit a semble-t-il divisé les économistes en deux camps, plus que jamais irréductibles.

Tout le gratin de l'économie était à Aix-en-Provence ce week-end : des économistes, des grands patrons mais aussi la patronne du FMI, Christine Lagarde ou encore Emmanuel Macron. Nicolas Barré, vous y étiez. Vous avez voulu savoir ce que pensent vraiment les uns et les autres du Brexit... Et vous avez eu des surprises !

D’habitude dans ce genre de cénacle, il y a un assez large consensus. Là, j’ai été frappé au contraire par une ligne de fracture profonde. Il y a clairement deux tendances parmi les économistes, deux tendances que cette affaire du Brexit a fait ressortir : vous avez ceux qui croient encore à la mondialisation, à ses vertus, au libre-échange, au commerce. Et ceux qui doutent et qui, sans être totalement souverainistes, parlent frontières, protection, ce qui est inhabituel chez des économistes classiques.

En clair, les libéraux n’ont pas le vent en poupe.
Non, c’est clair. Et on voit se développer toute une théorie selon laquelle, au fond, le vote britannique signe l’échec de l’Europe libérale qu’ils avaient pourtant eux-même voulue : souvenez-vous de la fameuse directive Bolkenstein sur la libre-circulation de la main d’œuvre. Le Brexit a mis en évidence un paradoxe. Les Britanniques qui voulaient réduire l’Europe à un grand marché sans projet politique subissent aujourd’hui un retour de bâton de la part du peuple qui n’est finalement pas si libéral que ça et qui dit : "la libre circulation des marchandises d’accord, mais celle de la main d’œuvre, non!"

Et nous, du coup, dans le reste de l’Europe du coup, on fait quoi?
Je vais vous dire ce que pense vraiment l’élite économique, aussi bien européenne que britannique : c’est que le vote britannique est une bêtise et qu’il faudrait trouver un moyen de revenir dessus. Et il y a un tas de scénarios juridiques qui circulent dans ce sens. Ce serait politiquement une erreur : on referait le coup des élites qui se moquent du peuple. Mais c’est le rêve de la City et d’une partie des élites européennes qui n’ont pas compris le sens du vote britannique. En fait, le Brexit a le mérite de clarifier la route à prendre : soit on choisit la sortie comme les Britanniques, soit on choisit de donner du contenu au projet européen mais cela suppose une adhésion populaire forte. En revanche, l’Europe des experts qui se construit sans le dire, c’est fini. Mais pour tout vous dire, je ne suis pas sûr que les élites l’aient vraiment compris.