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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous n’avez pas aimé la mise en cause des lobbies par Nicolas Hulot, pour justifier sa démission du gouvernement...

Exactement, et d’abord parce que cette accusation était portée par quelqu’un, Nicolas Hulot, qui est l’incarnation même du lobbying. Toute sa vie depuis 30 ans est consacrée au lobbying. Il a créé une Fondation pour (je cite) "participer au débat public" sur l’environnement, autrement dit pour peser sur le débat public. Il a même créé une entreprise commerciale, dénommée Eole, dont les statuts indiquent clairement qu’elle a pour but (je cite à nouveau) "le conseil en relations publiques et en communication sous toutes ses formes". C’est clair, c’est du lobbying. C’est donc très surprenant d’entendre l’ex-ministre de la Transition écologique expliquer qu’il ne supportait pas la présence de lobbies autour du pouvoir, et qu’il se demandait même si ça ne posait pas un problème de démocratie...

Et cette question, elle ne mérite pas d’être posée ?

Si, peut-être, mais pour moi la réponse est : non, les lobbies ne sont pas un problème de démocratie. Au contraire, même. Imaginez un pouvoir qui se bouche les oreilles, qui n’écoute aucun point de vue extérieur à sa propre action, il irait très vite au crash.

La démocratie a besoin de ces échanges avec les représentants de telle ou telle idée, de tel ou tel groupe de pression. Parce que les sujets sont souvent très complexes (et que par définition, ce sont eux qui les connaissent le mieux, mieux en tout cas que tel ou tel parlementaire ou membre d’un cabinet ministériel qui débarquent parfois sur certains dossiers)). Et puis, les citoyens ont besoin de s’organiser, de se regrouper pour faire entendre leurs voix.
Alors, on nous dit : "mais les lobbies représentent des intérêts particuliers". D’abord, ce n’est pas toujours le cas, et ensuite, oui, c’est vrai. C’est justement l’avantage. On sait d’où et pour qui les lobbies parlent. Et surtout, il y a toujours, sur tous les sujets, des lobbies pro et des lobbies anti.

Il n’empêche qu’il y a des excès...

Oui, c’est comme en toutes choses, il faut réguler, traquer les abus. C’est pour ça que la France, comme la plupart des grands pays, a adopté un mécanisme de transparence. Non pas seulement sur les lobbies (on sait toujours qui et quels intérêts ils défendent), mais une transparence aussi sur ceux qui reçoivent des lobbyistes, qui entendent leur plaidoyer. Une liste a été créée par la Haute Autorité pour la Transparence de la vie politique où tous les lobbyistes doivent être inscrits. Et leurs rendez-vous doivent être déclarés.

Un code de déontologie a également été créé, et certaines pratiques (comme les cadeaux) formellement interdits.

Et vous pensez que ça suffit pour régler tous les problèmes ?

Non, bien sûr... Parce que, en dernier ressort, tout dépend de la solidité et des convictions des hommes et des femmes politiques qui reçoivent des lobbyistes. Je le redis, il y a sur tous les sujets des groupes de pression pro et des groupes de pression anti. Le job d’un décideur politique, c’est d’écouter les arguments des deux bords, les intérêts particuliers des uns et des autres, et de trancher ensuite au nom de l’intérêt général qu’il est censé représenter. Ça demande un peu de recul et surtout de la force de caractère. Et c’est probablement ça qui a manqué à Nicolas Hulot.