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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, ce dimanche vous n’avez pas aimé ce qu’il est convenu d’appeler "l’affaire du Loto du Patrimoine"

Exactement. En fait, tout commence par un échange entre un député et le Ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. On apprend en effet au détour d’une phrase, que ce Loto du Patrimoine (vous connaissez le principe : la FDJ organise un loto dans le but de collecter de l’argent pour entretenir le patrimoine français, en fait des bâtiments historiques qui menacent ruine). C’est une idée qui a été portée par Stéphane Bern, et on apprend donc que ce Loto, qui avait suscité pas mal de doutes, est en réalité un succès. Bonne nouvelle, donc.

Mais, car je suppose qu’il y a un mais ?

Mais en effet, on comprend que sur les 200 millions d’euros qui seront récoltés, les projets de restauration qui sont les destinataires de cette opération ne toucheront qu’une quinzaine de millions d’euros : 7 à 8% des mises totales, une misère.
Et où va le reste ?

Alors, c’est un jeu, donc l’essentiel des sommes collectées va aux joueurs, à ceux qui ont parié. Ils se répartiront 144 millions d’euros. Et puis la Française des jeux qui est l’opérateur, qui a mis en place le jeu et doit donc couvrir ses frais, la FDJ touchera 22 millions d’euros. Reste donc une bonne trentaine de millions d’euros qui vont aller pour une petite moitié au patrimoine, et pour le reste à des taxes. Mais oui, des taxes... comme toujours !

Et c’est une surprise ?

Non, pas vraiment. C’est la mécanique traditionnelle des jeux d’argent, et l’Etat se sucre régulièrement sur ces activités. C’est d’autant moins une surprise que les choses avaient été clairement dites avant le lancement du jeu. Mais c’est vrai que la répartition de tout cet argent, ça fait tiquer. Si on retire ce qui va légitimement aux joueurs, les taxes représentent 25% de l’activité réelle de ce Loto. Et si on pousse le raisonnement un peu plus loin, on voit que, une fois payés les joueurs (144 millions) et l’organisateur du jeu (22 millions), les gains réels, les gains nets se montent 34 millions, dont l’Etat va prendre près de la moitié. 45% de taxes. Bon rendement…

Et c’est là-dessus que Stéphane Bern réagit ?

Exactement, en demandant que l’Etat renonce à ses taxes, et fasse un geste en faveur du patrimoine. Les projets sélectionnés représentent un besoin de travaux urgents de 50 millions d’euros. Garder la totalité des 34 millions serait un beau geste. Il emploie d’ailleurs un argument assez fort : il explique que les Français qui ont misé sur ce Loto ne l’ont pas fait (ou en tout cas pas principalement) pour l’argent mais pour soutenir une cause, celle des bâtiments historiques, d’une partie de notre mémoire.

Et il a eu gain de cause ?

Finalement oui, et même au-delà de ses espérances puisque non seulement l’Etat a abandonné les 14 millions de taxes qu’il devait prélever, mais il a rajouté 7 millions, gratis pro deo. Au total, 21 millions d’euros inespérés. Mais il a fallu une intervention directe du chef de l’Etat (et très probablement de Brigitte Macron) pour que Gérald Darmanin recule. Je me demande si Stéphane Bern ne devrait pas se saisir maintenant du problème des taxes sur les carburants et de la fiscalité verte. On aurait peut-être une chance qu’elles soient recalées.