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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, ce dimanche vous n’avez pas aimé la réponse du gouvernement à la fronde des "gilets jaunes".

Oui, la réponse à cette protestation contre la hausse des taxes sur le gazole et la promesse de blocages des routes samedi prochain, le 17 novembre. En fait, depuis le début de cette affaire, le pouvoir est à côté de la plaque. Son premier réflexe a été de nier le problème : la hausse des prix à la pompe vient aux trois-quarts de la hausse du prix du baril de pétrole ; "C’est pas nous" ("c’est pas bibi", a dit Emmanuel Macron), c’est le marché !

Ce qui est vrai.

Absolument, mais qui ne devrait pas servir d’argument. Je dirais même à l’inverse que c’est parce que le pétrole a augmenté que le gouvernement aurait pu (aurait dû) adapter sa politique fiscale et ses augmentations de taxes. Emmanuel Macron a aussi utilisé un autre argument : "Je préfère, a-t-il dit, taxer le carburant plutôt que le travail". Ok, c’est conforme à sa politique sur le travail et l’emploi, mais pourquoi dire je préfère taxer l’un plutôt que l’autre.

C’est très révélateur de cette passion française pour les taxes : le Président ne se place jamais dans l’hypothèse où il baisse des taxes, où il baisse la pression fiscale. D’ailleurs, tous ces arguments ont fait flop, ils n’ont pas convaincu comme on l’a vu lors de ses déplacements dans le Nord et l’Est de la France.

Et donc il a adapté son discours.

Voilà : il est passé de "j’assume" à "je comprends".

Et il a évoqué la création de nouvelles aides.

Exactement : chèque énergie, indemnité kilométrique, aide au transport... C’est encore assez flou, mais l’idée, c’est de maintenir les hausses de taxes sur le carburant, et de donner des aides à ceux qui ne peuvent pas les payer. Une mécanique folle : on fait rentrer de l’argent qu’on utilise en partie pour subventionner ceux qui ne peuvent pas payer une taxe, une aide. Et ce n’est pas tout : figurez-vous que ces aides sont assimilées à du revenu. Elles sont donc soumises à l’impôt sur le revenu. Elles sont imposables. Autrement dit, on taxe, on aide, et on taxe ces aides. Hallucinant. Alors heureusement, Emmanuel Macron a indiqué que ces aides pourraient être défiscalisées.

Donc problème réglé, au moins sur ce point ? 

Pas si vite, ce serait trop simple. Parce que ces aides, l’Etat n’a pas le premier centime pour les payer. Il va donc se tourner à la fois vers les régions, qui sont furieuses, et vers les entreprises qui le sont tout autant.
Si les régions doivent assumer ces aides, elles les financeront par les impôts locaux (elles n’ont pas de recettes en propre). On aura donc sollicité un impôt qui finance une aide qui amortit une taxe. Pas mal.

Et si ce sont les entreprises qui doivent assumer ?

Là, on atteint au sublime : prendre en charge une partie des frais d’essence des salariés, pour une entreprise, c’est renchérir le coût du travail. Vous vous souvenez de ce que disait Emmanuel Macron : "Je préfère taxer le carburant plutôt que le travail". Voilà : on va taxer le travail pour financer des aides qui permettront de taxer le carburant plutôt que le travail. Pas mieux !